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la grand’mère de M. Smallweed, qui vit encore, a perdu la mémoire, le jugement, l’intelligence ; depuis qu’elle montre une disposition continuelle à s’endormir et à se jeter dans le feu ; grâces enfantines qui ont sans aucun doute animé l’intérieur de la famille et l’ont rendu moins triste.

Le grand-père de M. Smallweed est perclus de ses deux jambes, mais il a conservé toute la vigueur de son esprit ; il possède ses quatre règles aussi bien qu’autrefois, et n’a rien oublié des hauts faits de certains avares dont il garde le souvenir à titre de renseignements ; quant à l’idéalité, à la respectivité, à la merveillosité, à tous les attributs phrénologiques de cette catégorie, il demeure dans l’état où il était jadis, n’ayant à cet égard jamais eu rien à perdre ; tous les germes d’ailleurs que la nature déposa dans son esprit y sont restés à l’état de larves, sans qu’il ait de sa vie fait éclore le moindre papillon.

Le père de cet agréable grand-père, qui habitait le même quartier, était une espèce d’araignée à deux pattes de la famille des grippe-sous, qui tendait sa toile aux mouches imprévoyantes, et se retirait dans son trou jusqu’au moment où les pauvres dupes étaient prises. L’idole de ce païen endurci s’appelait Intérêt composé ; c’est pour elle qu’il vécut, qu’il se maria, qu’il mourut. Un déficit assez considérable qu’il eut à supporter dans une honnête entreprise calculée pourtant de manière que toutes les chances de perte fussent du côté des autres, lui produisit une impression si vive, qu’il se brisa quelque organe,… un organe nécessaire à son existence, et par conséquent ce ne pouvait être le cœur : c’est ainsi qu’il termina sa carrière. Comme il ne jouissait pas d’une bonne réputation, bien qu’il eût appris à l’école de charité, où il avait été élevé, tout ce qui concerne les Amorites et les Hittites, par demandes et par réponses, on le citait fréquemment comme un exemple de l’inefficacité de l’éducation.

Toutefois son esprit rayonnait dans son fils, qu’il avait placé à l’âge de douze ans chez un notaire habile et rusé, où le jeune homme, naturellement avide et prévoyant, développa ces qualités de famille et fit un chemin rapide dans la profession honorable qui consiste à prendre un escompte plus ou moins légitime ; lancé de bonne heure dans la vie et se mariant tard, comme avait fait son père, il engendra un fils avide et prévoyant comme lui, qui, à son tour, entrant de bonne heure dans le monde et se mariant à un âge avancé, fut le père de Barthélemy et de Judith Smallweed, la sœur jumelle de notre ami. Pendant toute la croissance de son arbre généalogique, la maison Smallweed, en-