Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est un M. Georges, à ce qu’il paraît. »

Et M. Georges entre dans le parloir sans plus de cérémonie d’introduction.

«  Pouh ! quelle chaleur il fait ici ; du feu par ce temps-là ! Peut-être qu’après tout, ils font bien de s’habituer à rôtir, se dit M. Georges en saluant le vieil avare.

— Ah ! c’est vous ! s’écrie le vieux gentleman ; comment va la santé ?

— Tout doucement, répond M. Georges en prenant une chaise ; c’est là votre petite-fille ? j’ai déjà eu l’honneur de la voir ; miss Smallweed, tout prêt à vous servir.

— Et voici mon petit-fils que vous ne connaissez pas, dit le grand-père ; il travaille chez l’avoué, et n’est pas souvent à la maison.

— Également à son service ; il ressemble beaucoup à sa sœur ; il lui ressemble diablement, dit M. Georges en appuyant sur ce dernier adverbe.

— Et les affaires, comment les menez-vous ? lui demande le vieux Smallweed en se frottant lentement les jambes.

— Mais,… comme à l’ordinaire, on boulotte. »

M. Georges a cinquante ans ; c’est un homme grand, bien fait, qui a la figure ouverte, l’air franc et bon, le teint brun, les cheveux noirs et frisés, les yeux brillants, la poitrine large, et dont les mains nerveuses, bronzées par le soleil, ont évidemment servi à des travaux assez rudes. Il s’assied sur le bord de sa chaise, comme pour laisser derrière lui, par suite d’une longue habitude, un espace suffisant pour contenir quelque sac ou portemanteau dont il s’est déchargé là. Le bruit de son pas cadencé, habitué à faire sonner de lourds éperons, s’unirait à merveille au cliquetis d’un grand sabre ; il est maintenant rasé de près, mais, à la manière dont la bouche est fermée, on devine que pendant des années une longue moustache a recouvert sa lèvre supérieure, et la façon dont il y passe de temps en temps la paume de sa large main basanée, confirme dans cette opinion ; bref, il est facile de voir que M. Georges a été militaire. Il présente un contraste frappant avec les membres de la famille Smallweed ; jamais soldat de passage ne fut logé dans un intérieur qui fût moins en rapport avec lui ; c’est la même différence qu’entre un sabre et un canif ; sa grande taille, sa poitrine développée, l’aisance et l’ampleur de ses manières, sa voix pleine et vibrante, font, avec le corps rabougri des Smallweed, avec leurs allures pincées, leurs gestes rétrécis, leur voix grêle et pointue, l’opposition la plus étrange et la plus pronon-