Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/352

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m’dites queuqu’autr’chose, et que j’vous réponds, et pis qu’vous me répondez, et qu’en fin de compte me v’là ici, governeur, ici, governeur ! »

Phil se lève et commence à faire le tour de la salle en se frottant contre le mur.

« Et si un jour, s’écrie-t-il, y avait une cib’ qui manque, ou ben si les affaires pouvaient s’en embonnir, laissez-les tirer sur moi ; i’ n’ gâteront pas ma figure, commandant ! Si la pratique voulait boxer queuques-uns, laissez-la faire, cogner dru sur ma tête, j’y ferai pas attention. S’ils ont besoin d’un boulon pour s’exercer à le lancer, Cornwall, Devonshire ou Lancashire, laissez-les me prendre et me jeter où ils voudront, j’y suis ben habitué, j’ l’ai été dans ma vie et d’toutes les sortes de manières. »

Tout en prononçant avec énergie cette improvisation, qu’il accompagne des gestes particuliers aux différents exercices dont il parle, Phil Squod fait trois fois le tour de la galerie en se frottant contre la muraille, et, virant de bord tout à coup, se précipite vers le gouverneur, lui donne un coup de tête destiné à lui exprimer tout le dévouement qu’il a pour lui, et commence à desservir la table.

M. Georges rit de bon cœur, frappe sur l’épaule du petit homme et l’aide à mettre tout en ordre et à tout disposer dans la salle pour le travail du jour. Il s’exerce avec les haltères, se pèse l’instant d’après, trouve qu’il devient « trop corpulent, » prend un sabre et fait des armes tout seul avec beaucoup de gravité ; pendant ce temps-là, Phil s’est mis à son établi, et, tout entier à sa besogne, visse et dévisse, lime et fourbit, souffle dans le canon des armes, dans leurs moindres petits trous, se noircit de plus en plus et fait et défait tout ce qui peut se faire et défaire quand il s’agit de nettoyer des carabines et des pistolets.

Au bout de quelque temps, le maître et le serviteur sont troublés dans leurs occupations par un bruit singulier qui se fait entendre dans le couloir et qui annonce une visite non moins étrange. Les pas approchent, la porte s’ouvre et donne accès à un groupe tellement bizarre que, de prime abord, on croirait voir la mascarade du cinq novembre[1]. Il est composé d’un affreux personnage porté sur une chaise par deux hommes, et suivi d’une femme étique au visage pincé, qu’on s’attendrait à voir réciter la complainte commémorative de l’heureux temps où l’on espéra faire sauter l’Angleterre avec quelques barils

  1. Anniversaire de la conspiration des poudres, (Note du traducteur.)