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BLEAK-HOUSE

envisagé sous son meilleur aspect, suppléait bien pauvrement à l’orgueil et à l’amour d’un père.

« Le Jarndyce dont il s’agit, dit-il en feuilletant les paperasses qui étaient placées devant lui, n’est-il pas Jarndyce de Bleak-House[1] ?

— Oui, milord, répondit M. Kenge.

— Un nom lugubre, reprit le grand chancelier.

— Mais qui n’est plus applicable aujourd’hui à l’endroit qu’il désigne, fit observer M. Kenge.

— Et Bleak-House est situé… ? demanda Sa Seigneurie

— Dans le Hertfordshire, milord.

— M. Jarndyce n’est pas marié ?

— Non, milord.

— Richard Carstone est-il présent ? » demanda Sa Seigneurie après une pause assez longue.

Richard salua milord et s’avança.

« Hum ! fit le grand chancelier en tournant rapidement plusieurs feuillets.

— M. Jarndyce de Bleak-House, milord, objecta M. Kenge à voix basse, y a pourvu en procurant une compagne fort convenable à…

— M. Richard Carstone ? interrompit milord en souriant et à demi-voix ; du moins à ce que je crus voir et entendre.

— À miss Clare, milord ; c’est cette demoiselle, miss Summerson, que j’ai l’honneur de présenter à Votre Seigneurie. »

Milord m’octroya un regard plein d’indulgence et répondit avec courtoisie à mon humble révérence.

« Aucune des parties intéressées dans la cause n’est unie à miss Summerson par un lien de parenté quelconque ? demanda-t-il.

— Non, milord. »

M. Kenge se pencha vers le grand chancelier, acheva tout bas sa phrase, dont je n’entendis pas la fin. Sa Seigneurie l’écouta sans quitter des yeux les papiers qu’elle feuilletait, hocha la tête deux ou trois fois, tourna beaucoup de pages et ne me regarda plus qu’au moment de notre départ.

M. Kenge et M. Carstone vinrent me retrouver près de la porte, laissant miss Clare à côté du grand chancelier qui, dans cet aparté, ainsi qu’elle me l’a dit plus tard, lui demanda si elle avait mûrement réfléchi à la proposition qui lui avait été faite d’habiter Bleak-House ; si elle pensait y être heureuse et quels motifs le lui faisaient supposer. Puis il se leva, et, s’adressant à

  1. Maison désolée.