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l’eau blanche, toute l’habileté d’un vétérinaire consommé ; et la plupart des garde-chasses sont moins bons tireurs que lui. Son vœu le plus cher a été pendant quelque temps de servir son pays dans quelque bonne place, bien rétribuée, où il n’y eût rien à faire entre les repas ; un gouvernement intelligent n’eût pas manqué de satisfaire ce désir, très-naturel de la part d’un gentleman rempli de zèle et appartenant à une si grande famille ; mais lorsque William Buffy arriva au pouvoir, il trouva que ce n’était pas le moment de s’occuper de cette affaire, et ce fut la seconde fois que le baronnet vit clairement que le pays courait à sa perte.

Le reste des cousins de sir Dedlock se compose de ladies et de gentlemen de différents âges et de capacités diverses, qui, pour la plupart aimables et bons, se seraient fait une position dans le monde s’ils avaient pu triompher de leur noble origine ; mais qui, écrasés par elle, se traînent dans la vie nonchalamment et sans but, ne sachant que faire d’eux-mêmes et ne trouvant personne qui pût deviner à quoi ils peuvent servir.

Comme partout ailleurs, milady Dedlock est la reine de cette société de famille ; d’une élégance et d’une beauté accomplies, toute-puissante dans sa petite sphère (petite comme étendue, car malheureusement le monde de la fashion ne s’étend pas d’un pôle à l’autre), elle exerce dans la maison de sir Leicester, malgré la froideur insouciante de sa nature, une influence qui a puissamment contribué au perfectionnement de tout ce qui l’entoure. Les cousins de sir Leicester, même les plus âgés, que son mariage avec le baronnet stupéfia de contrariété, sont devenus ses hommes liges ; et l’honorable Bob Stables se plaît à répéter chaque jour, entre la poire et le fromage, à quelques personnes de choix, « qu’il n’y a pas dans tout le Stud, de noble coursier mieux soigné que milady. »

Tels sont les hôtes qu’on trouve par cette triste soirée dans le grand salon de Chesney-Wold ; un bruit de pas se fait entendre sur la terrasse du revenant ; peut-être celui que fait en marchant le spectre boiteux d’une ombre glacée. Il est tard, l’heure du sommeil approche ; de grands feux sont allumés dans toutes les chambres, et la flamme couvre les murs et les plafonds de silhouettes grimaçantes. Les bougeoirs brillent sur la table qui est à côté de la porte, à l’autre bout du salon. Des cousins de sir Leicester bâillent sur les ottomanes ; des cousines sont au piano ; des cousins et des cousines entourent le plateau chargé de soda-water ; d’autres cousins se lèvent des tables de jeu, d’autres encore sont rassemblés près de la cheminée. Sir Leicester est au coin de son feu particulier (car il y en a deux