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Restait à savoir quelle toilette aurait mistress Jellyby. Rien n’était plus curieux que le regard paisible qu’elle nous jetait de son bureau pendant que sa fille et moi nous discutions cette affaire importante. De temps en temps elle secouait la tête avec un sourire de demi-tolérance, comme un être supérieur qui voulait bien, quoique avec peine, supporter nos discours frivoles.

L’état de sa garde-robe ajoutait encore aux difficultés de l’entreprise ; nous parvînmes cependant à organiser un costume convenable pour une mère de condition moyenne en pareille circonstance.

Sa maison n’était certes pas grande ; mais je suis persuadée qu’eût-elle eu pour logement Saint-Pierre ou Saint-Paul, le seul avantage qu’elle y aurait trouvé eût été d’avoir plus d’espace à mettre sens dessus dessous ; tout ce qu’on pouvait casser dans la maison était en pièces ; tout ce qu’il avait été possible d’endommager d’une façon ou d’une autre était flétri, souillé, déchiré ; tout ce qui pouvait être sale, depuis les genoux des enfants jusqu’à la plaque de la porte, avait autant de crasse et de boue qu’ils en pouvaient porter.

Le pauvre M. Jellyby, qui parlait bien rarement, et qui, à la maison, restait presque toujours assis dans un coin, la tête appuyée contre le mur, s’intéressant aux efforts que nous faisions pour mettre un peu d’ordre dans tout ce gâchis, ôta son habit et voulut nous aider ; mais quand nous ouvrîmes les cabinets, tant d’objets incroyables s’en échappèrent de tous côtés, débris de pâtés moisis, restes de bouteilles, bonnets à fleurs, monceaux de lettres, cornets de thé, souliers d’enfants, bottes de monsieur, chapeaux de madame, bois de chauffage, pains à cacheter, couvercles de marmites, sucre fondu dans de vieux sacs de papier, tabourets, brosses à tête, morceaux de pain, tartines de beurre, livres dépareillés, bouts de chandelles retournés dans des flambeaux cassés, coquilles de noix, têtes de crevettes, paillassons, café en poudre, gants et ombrelles, etc., qu’il en fut effrayé et sortit de la maison ; mais chaque fois qu’il rentrait, il ôtait son habit, s’asseyait la tête contre le mur, et nous aurait aidés s’il avait su comment faire.

«  Pauvre père ! me disait Caddy la veille du grand jour, alors que nous étions parvenus à mettre les choses en ordre, il est cruel de le quitter ; mais qu’aurais-je pu pour lui, quand même je serais restée ? Depuis que je vous connais, chère amie, j’ai essayé plus d’une fois de ranger et de nettoyer ; mais, à quoi bon ? maman et l’Afrique remettent tout à l’envers. Nous n’avons