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tiques. Miss Wisk alla même jusqu’à nous dire avec indignation, un peu avant de nous mettre à table, que penser que la mission de la femme se renfermait principalement dans la sphère étroite du foyer était une calomnie outrageante que l’homme, indigne tyran de l’autre sexe, se plaisait à répandre. Une autre singularité qui me frappa, c’est que personne, à l’exception de M. Gusher, dont la mission était, comme je l’ai dit ailleurs, de tomber en extase devant la mission de n’importe qui, ne faisait cas de la mission du voisin. L’unique remède à tous les maux de la société, d’après mistress Pardiggle, était de poursuivre le pauvre, de le saisir et de lui appliquer la bienfaisance comme une camisole de force. Pour miss Wisk, l’émancipation de la femme était la seule chose au contraire qui pût sauver le genre humain ; et tandis qu’elle soutenait cette thèse avec ardeur, mistress Jellyby souriait à la vision lointaine de Borrioboula-Gha.

Mais revenons au mariage de Caroline ; nous nous rendîmes à l’église, où M. Jellyby conduisit la mariée. Venait ensuite le vieux M. Turveydrop, et je n’en dirai jamais assez pour rendre justice à l’air incroyablement distingué avec lequel ce gentleman, son chapeau sous le bras gauche (l’intérieur présenté au ministre comme la bouche d’un canon), les yeux épanouis jusqu’aux bords de sa perruque, le cou roide, l’épaule haute, se tint derrière Éva et moi pendant toute la cérémonie. Miss Wisk, d’un extérieur naturellement peu agréable, écouta les paroles consacrées, si révoltantes à l’égard de la femme, avec le plus profond dédain. Quant à mistress Jellyby, dont le regard et le sourire conservaient leur éternelle sérénité, nul, parmi tous ceux qui étaient là, n’avait l’air aussi complétement étranger au mariage qui se faisait sous ses yeux.

Nous revînmes déjeuner ; mistress Jellyby occupa le haut bout de la table et son mari se plaça vis-à-vis.

Avant d’entrer dans la pièce où le repas avait lieu, Caroline avait couru chez les enfants pour les embrasser de nouveau et pour leur dire qu’elle s’appelait maintenant Caroline Turveydrop ; mais, au lieu de causer une agréable surprise à Pepy, cette information le mit dans une telle colère, que sa sœur m’ayant envoyé chercher pour le calmer, je ne pus faire autrement que de consentir à ce qu’il vînt déjeuner avec moi ; je le pris donc sur mes genoux, et sa mère, voyant alors dans quel état se trouvait son tablier, ne put s’empêcher de lui dire : « Vilain Pepy ! quel petit cochon vous faites ! » Mais elle ne s’en troubla pas autrement. Pepy fut très-sage tout le temps du repas,