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BLEAK-HOUSE

moi je l’observe ; il n’y a pas tant de différence entre nous ; tous les deux nous pêchons en eau trouble. Hi ! lady Jane ! »

Une grosse chatte grise sauta d’une planche sur l’épaule du vieillard et nous fit tressaillir.

« Montre-leur comme tu égratignes ; bien, lady Jane ; hi, hi ! Déchire, déchire, milady. »

L’animal se précipita sur un paquet de chiffons qu’il laboura de ses griffes de tigre avec un bruit qui me fit grincer les dents.

« Sans compter qu’elle en ferait autant de n’importe qui, si je le lui commandais, reprit le vieillard. J’achète des peaux de chat, parmi tant d’autres choses, et l’on vint m’offrir la sienne ; une belle peau, comme vous voyez ; mais j’ai gardé la bête et ne l’ai pas dépouillée ; ce qui ne ressemble guère, direz-vous, à ce qu’ils font à la chancellerie. »

Nous avions traversé la boutique, et le regrattier venait d’ouvrir la porte qui conduisait à l’entrée de la maison, quand la petite vieille lui dit d’un air gracieux :

« Merci Krook ; vous avez de bonnes intentions, mais vous êtes fatigant ; ces jeunes demoiselles sont pressées. J’ai moi-même peu de temps à perdre, ayant à me rendre à la cour. Mes jeunes amis sont les pupilles dans Jarndyce contre Jarndyce.

— Jarndyce ! s’écria le vieillard avec surprise.

— Mon Dieu, oui.

— Est-il possible ! reprit M. Krook émerveillé.

— Vous paraissez prendre un vif intérêt aux causes que votre noble collègue est appelé à juger, lui dit Richard.

— Oui, répliqua-t-il d’un air distrait. Alors votre nom doit être….

— Richard Carstone.

— Carstone, répéta-t-il en comptant sur ses doigts ; oui, c’est cela ; il y avait encore les noms de Barbary, de Clare et je crois celui de Dedlock.

— Il en sait autant là-dessus que le véritable chancelier, nous dit M. Carstone.

— Oui ! continua le vieillard sortant peu à peu de sa rêverie ; Tom Jarndyce…. excusez-moi, si je l’appelle Tom, mais à la cour on ne lui connaissait pas d’autre nom. Tom Jarndyce donc entrait souvent ici ; le pauvre homme n’avait plus guère de repos ; il avait pris l’habitude de rôder par ici quand sa cause était appelée ou quand elle devait l’être ; il allait et venait, parlant aux boutiquiers et disant à chacun : « Garez-vous de la chancellerie, quoi qu’il puisse arriver, car c’est être broyé len-