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BLEAK-HOUSE

absolument nue ; j’y vis à peine les meubles les plus indispensables ; quelques anciennes gravures arrachées à de vieux livres ; des portraits de chanceliers et d’avocats illustres, collés sur la muraille avec des pains à cacheter ; quelques vieux sacs fanés « contenant ses documents, » ainsi qu’elle prit grand soin de nous le dire ; dans la grille pas de charbon ni même de cendres, et nulle part aucune trace de vêtement, aucun vestige de nourriture. Dans un buffet entr’ouvert, j’entrevis bien deux tasses, autant d’assiettes, un pot ou deux, mais tout cela vide et scrupuleusement essuyé. Je sentis alors que son extérieur misérable avait un sens plus profond et plus touchant que je ne l’avais supposé.

« Infiniment honorée, je vous assure, de la visite que me font les pupilles dans Jarndyce, dit la pauvre petite vieille avec une douceur extrême, et profondément reconnaissante de l’heureux présage qu’elle m’apporte. C’est un endroit retiré que celui que j’habite. La nécessité où je me trouve de suivre toutes les séances de la cour, restreint de beaucoup le cercle des logements où j’aurais pu m’établir. Je suis ici depuis bien des années ; je passe mes jours au palais, mes soirées et mes nuits dans cette chambre. Les nuits sont bien longues, car je dors peu et je pense beaucoup. C’est inévitable, plaidant en chancellerie. Je regrette de ne pas pouvoir vous offrir le chocolat. J’attends un jugement qui ne saurait plus tarder ; je m’établirai alors sur un grand pied. Quant à présent, je ne crains pas de l’avouer sous le sceau du secret aux pupilles dans Jarndyce, il m’est quelquefois bien difficile de conserver l’apparence d’une personne comme il faut. J’ai eu bien froid ici ; j’y ai supporté des privations encore plus rudes que le froid. Mais peu importe ; veuillez me pardonner de vous entretenir d’un sujet si vulgaire. »

Elle tira le rideau qui masquait la fenêtre étroite et basse de sa mansarde, et appela notre attention sur plusieurs cages renfermant des alouettes, des linotes, des chardonnerets, une vingtaine de petits oiseaux.

« Quand je me suis procuré ces chères petites créatures, nous dit-elle, j’avais un but que vous allez comprendre : c’était dans l’intention de leur rendre la liberté quand j’aurais gagné mon procès. Mon Dieu ! oui. Mais, en attendant, elles meurent en prison. L’existence de ces pauvres petits êtres est si courte, en comparaison des formalités judiciaires, que ma collection s’est renouvelée bien des fois depuis lors ; je doute même que pas un de ceux que vous voyez, et qui sont tous très-jeunes, vive assez longtemps pour jamais être libre. C’est mortifiant, n’est-ce pas ? Et je pense quelquefois, poursuivit-elle sans attendre