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nirs, il suit peut-être la meute à travers champs et bois, tandis que le groom qui est en train de curer la stalle voisine n’aperçoit rien au delà de son balai et de sa fourche. Le gris pommelé, qui dresse les oreilles chaque fois qu’on ouvre la porte et dont le regard, qu’il lance tristement sur celui qui vient d’entrer, reçoit pour toute réponse : « Ouah ! vieux gris ; reste tranquille, personne n’a besoin de toi, » le sait tout aussi bien que le rustaud qui le lui dit ; et les nobles bêtes qui partagent cette vie monotone passent peut-être ces jours de pluie à instruire si ce n’est à corrompre le poney qui est libre dans la stalle du coin.

Il se peut que le mâtin qui sommeille dans sa niche, sa large tête appuyée sur ses pattes, rêve d’un jour brûlant d’été, où l’ombre en tournant met sa patience à bout, et que, tout haletant, il éprouve le besoin d’avoir autre chose à tourmenter que lui-même ; à cette heure, clignant des yeux et à demi réveillé, peut-être se rappelle-t-il l’époque où la maison est remplie de monde, les remises de voitures, les écuries de chevaux, les cours de valets et d’écuyers ; jusqu’au moment où, doutant du présent, il sort de sa niche pour voir ce qui en est ; et secouant alors sa chaîne, peut-être se grogne-t-il en lui-même : « De la pluie, toujours de la pluie, rien que de la pluie, et personne, personne ! » tandis qu’il rentre dans sa niche, où il se couche en bâillant tristement.

Les limiers que le repos irrite et qui, de leur chenil situé au bout du parc, font entendre leur voix gémissante jusque dans la chambre de milady, parcourent en esprit la contrée tout entière pendant que la pluie tombe et les condamne à l’inaction. Peut-être que, tapis dans leurs terriers, les lapins dissipent leur ennui en songeant aux jours où leurs oreilles sont caressées par la brise ; à la saison intéressante où l’on a de jeunes pousses à grignoter, où les racines sont tendres, savoureuses, et où l’on folichonne à l’ombre des grands arbres. La dinde, vaguement troublée du sort qui attend toute sa race et pressentant la broche, peut se rappeler cette matinée de juillet où, s’échappant de la basse-cour, elle prit le chemin du parc, et, trottant parmi les branches des arbres abattus, arriva jusqu’à la grange qui se trouvait remplie d’orge. L’oie mécontente, qui se baisse pour passer sous la grand’porte, cancane sa préférence pour les jours où l’ombre du portail se projette sur le sable.

C’est à peu près tout ce que l’imagination produit à Chesney-Wold ; mais le peu qu’il y en a ressemble au léger bruit de ce vieux château qui s’enfle répété par l’écho ; elle aussi, quand