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— Elle aura pensé que nous avions à parler d’affaires de famille, et sera partie pour nous laisser plus libres. Elle est très-modeste, qualité précieuse chez une jeune fille, et plus rare aujourd’hui qu’elle ne l’était jadis. »

Mistress Rouncewell met une épingle à son fichu croisé ; le jeune homme incline la tête en signe d’assentiment. Mistress Rouncewell prête l’oreille.

« Des roues ! » dit-elle.

Depuis longtemps déjà son compagnon les avait entendues.

« Qui peut venir par un temps pareil ? »

On frappe à la porte quelques instants après. Une jeune fille brune, aux yeux noirs, entre timidement dans la chambre ; elle a tant de grâce et de délicate fraîcheur, qu’on prendrait les gouttes de pluie qui tremblent sur ses cheveux pour des gouttes de rosée sur une fleur à peine éclose.

« Qu’est-ce que c’est, Rosa ? dit mistress Rouncewell.

— Deux jeunes gens, madame, qui désireraient voir le château. Je leur ai dit que ce n’était ni le jour ni l’heure où on pouvait le visiter ; mais le jeune monsieur qui conduisait le tilbury a ôté son chapeau malgré la pluie, et m’a priée de vous apporter cette carte.

— Lis-moi le nom qui s’y trouve, » dit la femme de charge à son petit-fils.

Rosa est si timide, qu’en donnant la carte au jeune homme elle la laisse tomber entre eux ; ils se précipitent tous les deux pour la ramasser : leurs fronts s’effleurent, et la jeune fille est plus intimidée que jamais.

« La carte ne porte que le nom de M. Guppy.

— Guppy ? répète mistress Rouncewell. Impossible ! je n’ai jamais entendu parler de ce nom-là.

— Il me l’a bien dit, reprend la jeune fille ; mais il a ajouté que lui et le gentleman qui l’accompagne étaient arrivés de Londres la nuit dernière par le courrier, pour assister à la réunion des magistrats qui a eu lieu ce matin dans les environs ; que leur affaire avait été finie de bonne heure, et qu’ayant beaucoup entendu parler de Chesney-Wold, ils étaient venus, malgré la pluie, pour visiter le château ; ce sont de jeunes avocats : il m’a dit qu’il ne travaillait pas dans l’étude de M. Tulkinghorn, mais qu’il pouvait s’autoriser de son nom, si la chose était nécessaire. »

M. Tulkinghorn fait partie de Chesney-Wold ; on pense, en outre, qu’il est dépositaire du testament de mistress Rouncewell, et, puisqu’il connaît cet étranger, la vieille dame consent à l’ad-