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Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/394

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LE POSSÉDÉ.

Puis il étreignit sa tête entre ses deux mains, et, pendant un instant, il tourna son visage intelligent et rêveur du côté de l’étudiant… Mais semblable à un rayon passager, la lumière qui venait d’éclairer un moment son visage s’éteignit aussitôt.

« C’est le nom que porte ma mère, monsieur, balbutia le jeune homme, c’est le nom qu’elle se donna, lorsque peut-être elle pouvait en prendre un plus respecté… monsieur Redlaw, ajouta-t-il en hésitation, je crois connaître cette histoire ; et d’ailleurs, lorsque la connaissance de certains faits m’échappe… S’il est quelques points que j’ignore, mon instinct y supplée et me rapproche de la vérité.

« Je suis le fruit d’un mariage qui n’a été ni bien assorti ni heureux. Dès mon enfance, j’ai entendu votre nom prononcé avec honneur et respect… je dirais presque avec vénération. Ma mère m’a si souvent entretenu de votre dévouement sans égal, de votre exquise sensibilité, de votre force d’âme, de vos luttes énergiques contre les obstacles de la vie, que depuis la première leçon que j’ai reçue de ma mère, mon imagination a toujours entouré votre nom d’une auréole. Et d’ailleurs, pauvre étudiant que je suis, quel autre maître que vous vouliez-vous que je pusse choisir ? »

Nullement ému, nullement changé, Redlaw fixa sur le jeune homme un regard pénétrant et sombre, mais sans lui répondre, ni par une parole, ni par un geste.

« Je ne puis vous dire, poursuivit l’étudiant, j’essayerais en vain de vous dire à quel point j’ai été touché, ému, en retrouvant les traces du passé dans ce sentiment de confiance et de gratitude, associé au nom de M. Redlaw, parmi nous autres étudiants, et surtout dans le cœur des plus humbles d’entre eux. Nos âges et nos positions sont si différents, et j’ai, depuis si longtemps, l’habitude de vous regarder à distance, que je me trouve bien présomptueux, en touchant, même légèrement, à un pareil sujet.

« Cependant, celui qui, je puis le dire, a porté tant d’intérêt autrefois à ma mère…, apprendra peut-être, avec quelque plaisir, de quels sentiments d’affection j’étais pénétré pour lui, dans mon obscurité, avec quelle peine et quels regrets je me suis dérobé à ses encouragements dont, cependant, j’aurais été si fier… Ah ! c’est que je sentais que je devais me contenter de le connaître, sans être connu de lui…

Monsieur Redlaw, ajouta le jeune homme d’une voix affaiblie, j’ai bien mal dit ce que je voulais dire, car mes forces ne sont