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LES CARILLONS.

Trotty crut respirer un air composé du souffle de ces voix ; il ne pouvait leur échapper : elles étaient partout. Et cependant Meg courait toujours, avec la même flamme dans les yeux, répétant les mômes paroles : « Comme Lilian ! pour changer comme Lilian. » Tout-à-coup elle s’arrêta.

« Maintenant, ramenez-la, s’écria le vieillard arrachant ses cheveux blancs. Ma fille ! Meg ! ramenez-la… Dieu du ciel, ramenez-la… »

De ses mains fiévreuses, elle caressa les petits membres de l’enfant, arrangea sa tête, et disposa de son mieux la toilette de ses misérables langes, puis l’enveloppant dans son châle usé, elle le serra dans ses bras amaigris comme si elle ne voulait plus le quitter, et ses lèvres arides lui donnèrent un dernier baiser, la caresse d’adieu de son amour et de son angoisse maternelle ; elle mit sa petite main sur son sein, et puis la porta à son cœur désolé, appuyant son front endormi sur sa bouche, et, dans cette attitude, elle courut à la rivière…

À la rivière rapide et noire, où la nuit d’hiver étendait ses ombres, semblables aux dernières pensées de ceux qui ont cherché sous ses flots un refuge contre le malheur, — à la rivière, où les fanaux épars sur les deux bords brillaient d’une lueur rougeâtre et lugubre comme des torches allumées là exprès pour montrer le chemin de la mort, — à la rivière, où les ténèbres étaient trop