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LES APPARITIONS DE NOËL.

le silence de la nuit, que la police aurait pu avec raison lui faire un procès pour troubler la paix publique.

« Ah ! être captif, enchaîné, chargé de fers, s’écria le fantôme, et ne pas savoir que des siècles se confondront avec l’éternité avant que le bien dont cette terre est susceptible soit entièrement développé ; ne pas savoir que toute âme chrétienne, travaillant charitablement dans sa petite sphère quelle qu’elle soit, trouvera sa vie mortelle trop courte pour les vastes moyens d’utilité dont elle était dotée ; ne pas savoir qu’aucun regret ne peut racheter les occasions perdues de la vie… Cependant voilà ce que j’étais ; oui, j’étais ainsi !

— Mais vous fûtes toujours un homme habile en affaires, Jacob, bégaya Scrooge, qui commençait à s’appliquer cette dernière tirade.

— En affaires ! s’écria le spectre, se tordant de nouveau les mains ; je n’avais d’affaires que mon affaire d’homme. Le salut de l’humanité était mon affaire ; la charité, la miséricorde, la tolérance et la bienveillance, c’était là mon affaire ; les opérations de mon commerce n’étaient que la goutte d’eau dans l’immense océan de mon affaire. »

Le spectre releva sa chaîne à la hauteur de son bras, comme si c’était la cause de toute sa désolation, et puis il la rejeta lourdement à terre.

« À cette époque de l’année, continua le spectre, je souffre davantage. Ah !… pourquoi me promener à tra-