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LES APPARITIONS DE NOËL.

« Pardonnez mon indiscrétion, dit Scrooge, en regardant attentivement la tunique de l’Esprit, mais il me semble voir quelque chose de singulier qui s’agite sous votre robe… Est-ce un pied ou une main ?

— Vous allez voir, » répondit l’Esprit tristement. Et des plis de sa robe il dégagea deux enfants, deux misérables, abjectes et hideuses créatures, qui s’agenouillèrent en tombant. C’était un garçon et une fille, tous deux jaunes, maigres, à l’air famélique ; deux anges dégradés ou deux êtres diaboliques. Scrooge recula d’horreur. « Esprit, sont-ce vos enfants ? demanda-t-il.

— À moi ! dites qu’ils sont les enfants de l’homme, répondit l’Esprit, et ils s’attachent à moi en se plaignant de leur père. Celui-ci est l’Ignorance ; celle-ci est la Misère. Gardez-vous de l’un et de l’autre, mais du premier surtout, car je lis sur son front une horrible destinée… Renie-le, si tu l’oses, ajouta l’Esprit, s’adressant à Londres, toi qui l’engendras et qui sais parfois t’en servir pour tes factieux desseins… Mais tremble…

— N’ont-ils aucun lieu de refuge, aucune ressource ? s’écria Scrooge.

— N’y a-t-il pas des prisons ? répondit l’Esprit en lui renvoyant ironiquement pour la dernière fois ses propres paroles ; n’y a-t-il pas des maisons de travail forcé ? »

L’horloge sonnait minuit… Scrooge voulut regarder l’Esprit et ne le vit plus. Au dernier son de la cloche, il