Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/351

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— Miss Mowcher, monsieur.

— Allons donc ! que diable vient-elle faire ici ? dit Steerforth.

— Il paraît, monsieur, qu’elle est de ce pays-ci. Elle m’a dit qu’elle faisait tous les ans une tournée par ici, dans l’exercice de sa profession ; je l’ai rencontrée dans la rue ce matin, et elle désirait savoir si elle pourrait avoir l’honneur de se présenter chez vous, après dîner, monsieur.

— Connaissez-vous la géante en question ? Pâquerette, » demanda Steerforth.

Je fus obligé d’avouer, avec une certaine honte d’en être réduit là devant Littimer, que je ne connaissais pas du tout miss Mowcher.

« Eh bien ! vous allez faire sa connaissance, dit Steerforth, c’est une des sept merveilles du monde… Quand miss Mowcher viendra, faites-la entrer. »

J’éprouvais quelque curiosité de connaître cette dame, d’autant mieux que Steerforth partait d’un éclat de rire, chaque fois que je parlais d’elle, et refusait positivement de répondre à toutes les questions que je lui adressais sur ce sujet. Je restai donc dans un état d’attente inquiète ; on avait enlevé la nappe depuis une demi-heure ; nous étions près du feu avec une bouteille de vin près de nous, quand la porte s’ouvrit, et qu’avec tout son calme ordinaire Littimer annonça :

« Miss Mowcher ! »

Je regardai du côté de la porte, mais je n’aperçus rien. Je regardai encore, pensant que miss Mowcher tardait bien à paraître, quand, à mon grand étonnement, je vis surgir près d’un canapé placé entre la porte et moi, une naine âgée de quarante ou de quarante-cinq ans, avec une grosse tête, des yeux gris très-malins et des bras si courts que, pour mettre le doigt d’un air fin sur son nez camus, en regardant Steerforth, elle fut obligée d’avancer la tête pour appuyer son nez sur son doigt. Son double menton était si gras que les rubans et la rosette de son chapeau disparaissaient dedans. Elle n’avait point de cou, point de taille, point de jambes, à vrai dire, car bien qu’elle fût au moins de grandeur ordinaire, jusqu’à l’endroit où la taille aurait dû se trouver, et bien qu’elle possédât des pieds comme tout le monde, elle était si petite qu’elle se tenait devant une chaise ordinaire comme devant une table, déposant sur le siège le sac qu’elle portait. Cette dame, habillée d’une manière un peu négligée, portant son nez et son doigt tout d’une pièce, par le rapprochement pénible dont j’ai