Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/461

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« Allons ! décidez-vous pour après-demain et passez la journée de demain avec nous ! Qui sait quand nous nous reverrons ! Allons ! après-demain ! J’ai besoin de vous pour m’épargner le tête-à-tête de Rosa Dartle, et pour nous séparer.

— Craignez-vous de trop vous aimer si je n’étais pas là ? demandai-je.

— Oui, ou de nous détester, dit Steerforth en riant : l’un ou l’autre. Allons ! c’est convenu ? après-demain!

— Va pour après-demain, lui dis-je, » et il mit son paletot, alluma son cigare et se prépara à aller chez lui à pied. Voyant que telle était son intention je mis aussi mon paletot sans allumer mon cigare, j’en avais eu assez d’une fois, et je l’accompagnai jusqu’à la grand’route qui n’était pas gaie le soir, dans ce temps-là. Il était fort en train tout le long du chemin, et quand nous nous séparâmes, je le regardai marcher d’un pas si léger et si ferme, que je me rappelai ce qu’il m’avait dit : « Sautons par-dessus tous les obstacles pour arriver au but ! » et je me pris à souhaiter pour la première fois que le but qu’il poursuivait fût digne de lui.

J’étais rentré dans ma chambre et je me déshabillais, quand la lettre de M. Micawber tomba par terre : elle fit bien, car je l’avais oubliée. Je rompis le cachet et je lus ce qui suit : la lettre était datée d’une heure et demie avant le dîner. Je ne sais si j’ai dit que, toutes les fois que M. Micawber se trouvait dans une situation désespérée, il employait une sorte de phraséologie légale qu’il semblait regarder comme une manière de liquider ses affaires.

« Monsieur… car je n’ose pas dire mon cher Copperfield.

« II est nécessaire que vous sachiez que le soussigné est enfoncé. Vous remarquerez peut-être aujourd’hui qu’il aura fait quelques faibles efforts pour vous épargner une découverte prématurée de sa malheureuse position, mais toute espérance est évanouie de l’horizon, et le soussigné est enfoncé.

« La présente communication est écrite en présence (je ne peux pas dire dans la société), d’un individu plongé dans un état voisin de l’ivresse et qui est employé par un prêteur sur gages. Cet individu est en possession légale de ces lieux, par défaut de payement de loyer. L’inventaire qu’il a dressé comprend non-seulement toutes les propriétés personnelles de tout genre appartenant au soussigné, locataire à l’année de cette