Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/91

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tête dans mes mains au milieu de la pièce à peine , éclairée, écoutant la douloureuse harmonie de M. Mell tout en méditant sur mes leçons du lendemain ; je me vois également, mes livres fermés à côté de moi, prêtant toujours l’oreille à la douloureuse harmonie de M. Mell, et croyant entendra à travers ces sons lamentables la bruit lointain de la maison paternelle et le sifflement du vent sur les dunes de Yarmouth. Ah ! combien je me sens isolé et triste ! je me vois montant me coucher dans des chambres presque désertes, et pleurant dans mon petit lit au souvenir de ma chère Peggotty ; je me vois descendant l’escalier le lendemain matin et regardant, par un carreau cassé de la lucarne qui l’éclaire, la cloche de la pension suspendue tout en haut d’un hangar, avec une girouette par dessus ; Je la contemple et je songe avec effroi au temps où elle appellera à l’étude Steerforth et ses camarades, et pourtant j’ai encore bien plus peur du moment fatal où l’homme à la jambe de bois ouvrira la grille aux gonds rouillés pour laisser passer le redoutable M. Creakle. Je ne crois pas avec tout cela que je sois un très-mauvais sujet, mais je n’en porte pas moins le placard toujours sur mon dos.

M. Mell ne me disait pas grand’chose, mais il n’était pas méchant avec moi ; je suppose que nous nous tenions mutuellement compagnie sans nous parler. J’ai oublié de dire qu’il se parlait quelquefois à lui-même, et qu’alors il grinçait des dents, il serrait les poings et il se tirait les cheveux de la façon la plus étrange ; mais c’était une habitude qu’il avait comme ça. Dans les commencements cela me faisait peur, mais je ne tardai pas à m’y faire.


Je menais cette vie depuis un mois environ, lorsque l’homme à la jambe de bois se mit à parcourir la maison avec un balai et un seau d’eau ; j’en conclu qu’on préparait tout pour recevoir M. Creakle et ses élèves. Je ne me trompais pas, car bientôt le balai envahit la salle d’étude et nous en chassa M. Mell et