Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/20

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résolution sombre, il me vint dans l’esprit la terrible pensée que s’il rencontrait jamais Steerforth, il le tuerait.

« Mon devoir ici est accompli, monsieur, dit Peggotty. Je vais chercher ma… » Il s’arrêta, puis il reprit d’une voix plus ferme : « Je vais la chercher. C’est mon devoir à tout jamais. »

Il secoua la tête quand je lui demandai où il la chercherait, et me demanda si je partais pour Londres le lendemain. Je lui dis que, si je n’étais pas parti le jour même, c’était de peur de manquer l’occasion de lui rendre quelque service, mais que j’étais prêt à partir quand il voudrait.

« Je partirai avec vous demain, monsieur, dit-il, si cela vous convient. »

Nous fîmes de nouveau quelques pas en silence.

« Ham continuera à travailler ici, reprit-il au bout d’un moment, et il ira vivre chez ma sœur. Le vieux bateau…

— Est-ce que vous abandonnerez le vieux bateau, M. Peggotty ? demandai-je doucement.

— Ma place n’est plus là, M. David, répondit-il, et si jamais un bateau a fait naufrage depuis le temps où les ténèbres étaient sur la surface de l’abîme, c’est celui-là. Mais, non, monsieur ; non, je ne veux pas qu’il soit abandonné, bien loin de là. »

Nous marchâmes encore en silence, puis il reprit :

« Ce que je désire, monsieur, c’est qu’il soit toujours, nuit et jour, hiver comme été, tel qu’elle l’a toujours connu, depuis la première fois qu’elle l’a vu. Si jamais ses pas errants se dirigeaient de ce côté, je ne voudrais pas que son ancienne demeure semblât la repousser ; je voudrais qu’elle l’invitât, au contraire, à s’approcher peut-être de la vieille fenêtre, comme un revenant, pour regarder, à travers le vent et la pluie, son petit coin près du feu. Alors, M. David, peut-être qu’en voyant là mistress Gummidge toute seule, elle prendrait courage et s’y glisserait en tremblant ; peut-être se laisserait-elle coucher dans son ancien petit lit et reposerait-elle sa tête fatiguée, là où elle s’endormait jadis si gaiement. »

Je ne pus lui répondre, malgré tous mes efforts.

« Tous les soirs, continua M. Peggotty, à la tombée de la nuit, la chandelle sera placée comme à l’ordinaire à la fenêtre, afin que, s’il lui arrivait un jour de la voir, elle croie aussi l’entendre l’appeler doucement : « Reviens, mon enfant, reviens ! » Si jamais on frappe à la porte de votre tante, le soir, Ham,