Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/239

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Mais elle ne se releva pas. Elle le regarda un moment, puis, se serrant encore plus contre lui, elle posa son bras sur les genoux de son mari, et y appuyant sa tête, elle dit :

« Si j’ai ici un ami qui puisse dire un mot à ce sujet, pour mon mari ou pour moi ; si j’ai ici un ami qui puisse faire entendre un soupçon que mon cœur m’a parfois murmuré ; si j’ai ici un ami qui respecte mon mari ou qui m’aime ; si cet ami sait quelque chose qui puisse nous venir en aide, je le conjure de parler. »

Il y eut un profond silence. Après quelques instants d’une pénible hésitation, je me décidai enfin :

« Mistress Strong, dis-je, je sais quelque chose que le docteur Strong m’avait ordonné de taire ; j’ai gardé le silence jusqu’à ce jour. Mais je crois que le moment est venu où ce serait une fausse délicatesse que de continuer à le cacher ; votre appel me relève de ma promesse. »

Elle tourna les yeux vers moi, et je vis que j’avais raison. Je n’aurais pu résister à ce regard suppliant, lors même que ma confiance n’aurait pas été si inébranlable.

« Notre paix à venir, dit-elle, est peut-être entre vos mains. J’ai la certitude que vous ne tairez rien ; je sais d’avance que ni vous, ni personne au monde ne pourrez jamais rien dire qui nuise au noble cœur de mon mari. Quoi que vous ayez à dire qui me touche, parlez hardiment. Je parlerai tout à l’heure à mon tour devant lui, comme plus tard devant Dieu ! »

Je ne demandai pas au docteur son autorisation, et je me mis à raconter ce qui c’était passé un soir dans cette même chambre, en me permettant seulement d’adoucir un peu les grossières expressions d’Uriah Heep. Impossible de peindre les yeux effarés de mistress Markleham durant tout mon récit, ni les interjections aigus qu’elle faisait entendre.

Quand j’eus fini, Annie resta encore un moment silencieuse, la tête baissée comme je l’ai dépeinte, puis elle prit la main du docteur, qui n’avait pas changé d’attitude depuis que nous étions entrés dans la chambre, la pressa contre son cœur et la baisa. M. Dick la releva doucement, et elle resta immobile ; appuyée sur lui, les yeux fixés sur son mari.

« Je vais mettre à nu devant vous, dit-elle d’une voix modeste, soumise et tendre, tout ce qui a rempli mon cœur depuis mon mariage. Je ne saurais vivre en paix, maintenant que je sais tout, s’il restait la moindre obscurité sur ce point.

— Non, Annie, dit le docteur doucement, je n’ai jamais