Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/29

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« Il faut que je m’en aille, dit-elle enfin en se levant. Il est tard ; vous ne vous méfiez pas de moi, n’est-ce pas ? »

En rencontrant son regard perçant, plus perçant que jamais, quand elle me fit cette question, je ne pus répondre à ce brusque appel un « non » bien franc.

« Allons, dit-elle, en acceptant la main que je lui offrais pour l’aider à passer par-dessus le garde-cendres et en me regardant d’un air suppliant, vous savez bien que vous ne vous méfieriez pas de moi, si j’étais une femme de taille ordinaire. »

Je sentis qu’il y avait beaucoup de vérité là dedans, et j’étais un peu honteux de moi-même.

« Vous êtes jeune, dit-elle. Écoutez un mot d’avis, même d’une petite créature de trois pieds de haut. Tâchez, mon bon ami, de ne pas confondre les infirmités physiques avec les infirmités morales, à moins que vous n’ayez quelque bonne raison pour cela. »

Quand elle fut délivrée du garde-cendres, et moi de mes soupçons, je lui dis que je ne doutais pas qu’elle ne m’eût fidèlement expliqué ses sentiments, et que nous n’eussions été, l’un et l’autre, deux instruments aveugles dans des mains perfides. Elle me remercia en ajoutant que j’étais un bon garçon.

« Maintenant, faites attention ! dit-elle en se retournant, au moment d’arriver à la porte, et en me regardant, le doigt levé, d’un air malin. J’ai quelques raisons de supposer, d’après ce que j’ai entendu dire (car j’ai toujours l’oreille au guet, il faut bien que j’use des facultés que je possède) qu’ils sont partis pour le continent. Mais s’ils reviennent jamais, si l’un d’eux seulement revient de mon vivant, j’ai plus de chances qu’un autre, moi qui suis toujours par voie et par chemins, d’en être informée. Tout ce que je saurai, vous le saurez ; si je puis jamais être utile, n’importe comment, à cette pauvre fille qu’ils viennent de séduire, je m’y emploierai fidèlement, s’il plaît à Dieu ! Et quant à Littimer mieux vaudrait pour lui avoir un dogue à ses trousses que la petite Mowcher ! »

Je ne pus m’empêcher d’ajouter foi intérieurement à cette promesse, quand je vis le regard qui l’accompagnait.

« Je ne vous demande que d’avoir en moi la confiance que vous auriez en une femme d’une taille ordinaire, ni plus ni moins, dit la petite créature en prenant ma main d’un air suppliant. Si vous me revoyez jamais différente en apparence de ce que je suis maintenant avec vous ; si je reprends l’humeur folâtre que vous m’avez vue la première fois, faites attention