Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/315

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de Yarmouth pour parcourir une fois encore ce pays que je connaissais si bien.

Tandis que nous traversions la rue qui m’était familière (M. Peggotty avait voulu à toute force, se charger de porter mon sac de nuit), je jetai un coup d’œil dans la boutique d’Omer et Joram, et j’y aperçus mon vieil ami M. Omer, qui fumait sa pipe. J’aimais mieux na pas assister à la première entrevue de M. Peggotty avec sa sœur et avec Ham ; M. Omer me servit de prétexte pour rester en arrière.

« Comment va M. Omer ? il y a bien longtemps que je ne l’ai vu » dis-je en entrant.

Il détourna sa pipe pour mieux me voir, et me reconnut bientôt à sa grande joie.

« Je devrais me lever, monsieur, pour vous remercier de l’honneur que vous me faites, dit-il mais mes jambes ne sont plus très-alertes et on me roule dans un fauteuil. Du reste, sauf mes jambes, et ma respiration qui est un peu courte, je me porte, grâce à Dieu, aussi bien que possible. »

Je le félicitai de son air de contentement et de ses bonnes dispositions. Je vis alors qu’il avait un fauteuil à roulettes.

« C’est très-ingénieux, n’est-ce pas ? me demanda-t-il, en suivant la direction de mes yeux, et en passant son bras sur l’acajou pour le polir. C’est léger comme une plume, et sûr comme une diligence. Ma petite Minnie, ma petite fille, vous savez, l’enfant de Minnie, n’a qu’à s’appuyer contre le dossier, et me voilà parti le plus joyeusement du monde ! Et puis, savez-vous, c’est une excellente chaise pour y fumer sa pipe. »

Jamais je n’ai vu un aussi bon vieillard que M. Omer, toujours prêt à voir le beau côté des choses, ou à s’en trouver satisfait. Il avait l’air radieux, comme si son fauteuil, son asthme et ses mauvaises jambes avaient été les diverses branches d’une grande invention destinée à ajouter aux agréments d’une pipe.

« Je vous assure que je reçois beaucoup de monde dans ce fauteuil : beaucoup plus qu’auparavant, reprit M. Omer ; vous seriez surpris de la quantité de gens qui entrent pour faire une petite causette. Vraiment oui ! Et puis, depuis que je me sers de ce fauteuil, le journal contient dix fois plus de nouvelles qu’auparavant. Je lis énormément. Voilà ce qui me réconforte, voyez-vous. Si j’avais perdu les yeux, que serais-je devenu ? Mais mes jambes, qu’est-ce que cela fait ? Elles ne servaient qu’à rendre ma respiration encore plus