Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/344

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la main sur le menton, puis s’arrêtant à la porte, il me dit :

«  Copperfield, je vous ai toujours détesté. Vous n’avez jamais été qu’un parvenu, et vous avez toujours été contre moi.

— Je vous ai déjà dit, répondis-je, que c’est vous qui avez toujours été contre le monde entier par votre fourberie et votre avidité. Songez désormais que jamais la fourberie et l’avidité ne savent s’arrêter à temps, même dans leur propre intérêt. C’est un fait aussi certain que nous mourrons un jour.

— C’est peut-être un fait aussi incertain que ce qu’on nous enseignait à l’école, dit-il avec un ricanement expressif, à cette même école où j’ai appris à être si humble. De neuf heures à onze heures, on nous disait que le travail était une malédiction ; de onze heures à une heure, que c’était un bien, une bénédiction, et que sais-je encore ? Vous nous prêchez là des doctrines à peu près aussi conséquentes que ces gens-là. L’humilité vaut mieux que tout cela, c’est un excellent système. Je n’aurais pas sans elle si bien enlacé mon noble associé, je vous en réponds… Micawber, vieil animal, vous me payerez ça ! »

M. Micawber le regarda d’un air de souverain mépris jusqu’à ce qu’il eût quitté la cbambre, puis il se tourna vers moi, et me proposa de me donner le plaisir de venir voir la confiance se rétablir entre lui et mistress Micawber. Après quoi, il invita toute la compagnie à contempler une si touchante cérémonie.

« Le voile qui nous a longtemps séparés, mistress Micawber et moi, s’est enfin déchiré, dit M. Micawber ; mes enfants et l’auteur de leur existence peuvent maintenant se rapprocher sans rougir les uns des autres. »

Nous lui avions tous beaucoup de reconnaissance, et nous désirions lui en donner un témoignage, autant du moins que nous le permettait le désordre de nos esprits aussi, aurions-nous tous volontiers accepté son offre, si Agnès n’avait été forcée l’aller retrouver son père, auquel on n’avait encore osé que faire entrevoir une lueur d’espérance ; il fallait d’ailleurs que quelqu’un montât la garde auprès d’Uriah. Traddles se consacra à cet emploi où M. Dick devait bientôt venir le relayer ; ma tante, M. Dick et moi, nous accompagnâmes M. Micawber. En me séparant si précipitamment de ma chère Agnès, à qui je devais tant, et en songeant au danger