Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/359

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vues devant une telle assemblée, elle en serait probablement choquée : mon avis étant qu’en masse votre famille se compose de faquins impertinents, et, en détail, de coquins fieffés.

— Micawber, dit mistress Micawber, eu secouant la tête, non ! Vous ne les avez jamais compris, et ils ne vous ont jamais compris, voilà tout. »

M. Micawber toussa légèrement.

« Ils ne vous ont jamais compris, Micawber, dit sa femme. Peut-être en sont-ils incapables. Si cela est, il faut les plaindre, et j’ai compassion de leur infortune.

— Je suis extrêmement fâché, ma chère Emma, dit M. Micawber, d’un ton radouci, de m’être laissé aller à des expressions qu’on peut trouver un peu vives. Tout ce que je veux dire, c’est que je peux quitter cette contrée sans que votre famille se mette en avant pour me favoriser… d’un adieu, en me poussant de l’épaule pour précipiter mon départ ; enfin, j’aime autant m’éloigner d’Angleterre, de mon propre mouvement, que de m’y faire encourager par ces gens-là. Cependant, ma chère, s’ils daignaient répondre à votre communication, ce qui d’après notre expérience à tous deux, me semble on ne peut plus improbable, je serais bien loin d’être un obstacle à vos désirs. »

La chose étant ainsi décidée à l’amiable, M. Micawber offrit le bras à mistress Micawber, et jetant un coup d’œil sur le tas de livres et de papiers placés sur la table, devant Traddles, il déclara qu’ils allaient se retirer pour nous laisser libres ; ce qu’ils firent de l’air le plus cérémonieux.

« Mon cher Copperfield, dit Traddles en s’enfonçant dans son fauteuil, lorsqu’ils furent partis, et en me regardant avec un attendrissement qui rendait ses yeux plus rouges encore qu’à l’ordinaire, et donnait à ses cheveux les attitudes les plus bizarres, je ne vous demande pas pardon de venir vous parler d’affaires : je sais tout l’intérêt que vous prenez à celles-ci, et cela pourra d’ailleurs apporter quelque diversion à votre douleur. Mon cher ami, j’espère que vous n’êtes pas trop fatigué !

— Je suis tout prêt, lui dis-je après un moment de silence. C’est à ma tante qu’il faut penser d’abord. Vous savez tout le mal qu’elle s’est donné ?

— Sûrement, sûrement, répondit Traddles : qui pourrait l’oublier ?

— Mais ce n’est pas tout, repris-je. Depuis quinze jours,