Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/458

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mit ses lunettes pour me regarder, mais elle les était aussitôt, d’un air désappointé, et s’en frottait le nez. Le tout au grand déplaisir de M. Dick, qui savait que c’était mauvais signe.

« À propos, ma tante, lui dis-je après dîner, j’ai parlé à Agnès de ce que vous m’aviez dit.

— Alors, Trot, dit ma tante en devenant très-rouge, vous avez eu grand tort, et vous auriez dû tenir mieux votre promesse.

— Vous ne m’en voudrez pas, ma tante, j’espère, quand vous saurez qu’Agnès n’a pas d’attachement qui la rende malheureuse.

— Quelle absurdité ! dit ma tante.

En la voyant très-vexée, je crus qu’il valait mieux en finir. Je pris la main d’Agnès, et noua vînmes tous deux nous agenouiller auprès de son fauteuil. Elle nous regarda, joignit les mains, et, pour la première et la dernière fois de sa vie, elle eut une attaque de nerfs.

Peggotty accourut. Des que ma tante fut remise, elle se jeta à son cou, l’appela une vieille folle et l’embrassa à grands cris. Après quoi elle embrassa M. Dick (qui son trouva très-honoré, mais encore plus surpris) ; puis elle leur expliqua tout. Et nous nous livrâmes tous à la joie.

Je n’ai jamais pu découvrir si, dans sa dernière conversation avec moi, ma tante c’était permis une fraude pieuse, ou si elle s’était trompée sur l’état de mon âme. Tout ce qu’elle avait dit, me répéta-t-elle, c’est qu’Agnès allait se marier, et maintenant je savais mieux que personne si ce n’était pas vrai.

Notre mariage eut lieu quinze jours après. Traddles et Sophie, le docteur et mistress Strong furent seuls invités à notre paisible union. Nous les quittâmes le cœur plein de joie, pour monter tous deux en voiture. Je tenais dans mes bras celle qui avait été pour moi la source de toutes les nobles émotions que j’avais pu ressentir, le centre de mon âme, le cercle de ma vie, ma… ma femme ! et mon amour pour elle était bâti sur le roc !

« Mon mari bien-aimé, dit Agnès, maintenant que je puis vous donner ce nom, j’ai encore quelque chose à vous dise.

— Dites-le-moi, mon amour.

— C’est un souvenir de la nuit où Dora est morte. Vous savez, elle vous avait prié d’aller me chercher ?

— Oui.