Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 2.djvu/420

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« — Le Mémoire, sans doute, » répondis-je ; « mais d’abord, mon cher Dick, l’essentiel est de faire bonne contenance, et de ne pas laisser voir à ma tante que nous pensons à ce qui doit cependant nous préoccuper beaucoup. »

Il comprit si bien le sentiment qui m’inspirait, qu’il me supplia de l’observer de près, et, s’il écartait, de le ramener par quelques-unes de mes méthodes supérieures. Malheureusement, la peur que je lui avais faite lui imposa une telle contrainte, qu’il se trahissait par son immobilité même, se contentant de rouler ses yeux comme une poupée à ressorts. L’expression de son regard n’en était que plus lamentable. Ainsi, dès le même soir, quand nous revînmes chez moi pour souper, c’était pitié de le voir contempler le pain qui fut mis sur la table, comme si c’était notre dernière ressource contre la famine ; ma tante ayant insisté pour qu’il prît son repas comme d’habitude, je le surpris mettant dans sa poche des bribes de pain et de fromage ; je ne doute pas qu’il ne songeât à un fonds de provisions destinées à nous faire revivre tous le jour où nous serions à moitié morts de faim.

D’un autre côté, ma tante montrait un calme exemplaire. Elle fut d’une grâce parfaite pour