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Louisa, promettez-moi de prendre quelque chose de chaud avant de vous coucher et de ne pas vous désoler ainsi ! »

Ce fut à grand’peine que Suzanne, qui avait ses grands yeux noirs fixés sur elle, parvint à se contenir pendant ces derniers mots et jusqu’au départ de Mme Chick ; mais quand la chambre fut libre, elle se dédommagea tout à son aise : « On pourrait me tenir pendant six semaines dans une camisole de force, dit Nipper, que je ne serais pas plus malade. A-t-on jamais entendu deux chouettes pareilles, madame Richard !

— Elles disaient pourtant que la pauvre petite rêvait ! dit Polly.

— Oh ! mes belles dames, cria Suzanne Nipper en faisant un profond salut du côté de la porte, elle n’aura jamais rien des Dombey, dites-vous ? je l’espère bien ; nous en avons bien assez comme cela, un seul suffit.

— N’éveillez pas les enfants, ma chère Suzanne, dit Polly.

— Je vous suis bien obligée, madame Richard, reprit Nipper en parlant toujours aussi fort ; réellement, c’est un honneur pour moi de recevoir vos ordres, moi qui ne suis qu’une mulâtresse, qu’une négresse ! Madame Richard, si vous avez d’autres ordres à me donner, je vous écoute.

— Allons, Suzanne, est-ce que je vous donne des ordres ? dit Polly.

— Oh ! mon Dieu, madame Richard, cria Suzanne, c’est comme cela, les provisoires ici donnent des ordres aux permanentes, n’importe où elles sont nées, madame Richard ? Mais n’importe où vous êtes née, madame Richard, poursuivit Salpêtre en remuant la tête d’un air décidé, n’importe quand et comment (ce que vous savez mieux que moi), mettez-vous bien dans l’esprit qu’il y a une grande différence entre donner des ordres et les accepter. On peut bien ordonner à une personne de se jeter la tête la première par-dessus un pont dans quarante-cinq pieds d’eau, madame Richard, mais ce n’est pas une raison pour que cette personne veuille bien faire le plongeon.

— Allons, dit Polly, vous voilà fâchée, parce que vous êtes une bonne fille et que vous aimez sincèrement Mlle Florence ; et c’est à moi que vous vous en prenez, parce qu’il n’y a plus que moi ici.

— Il est bien facile à certaines gens de conserver leur bonne