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se retrouvait dans sa solitude habituelle, que M. Chick enfonça ses deux mains dans ses poches, se renversa dans la voiture et se mit à siffler tout du long un air de chasse avec une telle expression de défi sombre et terrible, que Mme Chick n’osa ni protester, ni le contrarier.

Richard tout en tenant sur ses genoux le petit Paul n’oubliait pas son premier-né. Elle sentait qu’il y avait de l’ingratitude à ne pas être plus gaie ; mais la journée avait été si triste qu’elle voyait tout en noir, même les Charitables Rémouleurs. Elle avait toujours devant les yeux cette plaque d’étain, ce n° 147, comme une preuve de la régularité et de la sévérité de cette institution. Elle s’attendrissait aussi en pensant aux pauvres petites jambes de Biler, dont le spectre en uniforme la poursuivait malgré elle.

« Je ne sais ce que je donnerais pour voir le pauvre petit, avant qu’il y soit habitué ! dit Polly.

— Eh mais ! madame Richard, dit Suzanne qui était sa confidente, savez-vous, il faut vous contenter et aller le voir.

— M. Dombey ne le voudrait pas, dit Polly.

— Oh ! vous croyez, madame Richard, dit Suzanne, mais peut-être bien qu’il le permettrait, si on lui en parlait ?

— Ce ne serait toujours pas vous, je suppose, dit Polly, qui lui demanderiez cette permission ?

— Ma foi ! non, madame Richard, répliqua Suzanne. Je sais que Tox et Chick, nos deux espions, ne seront pas de garde demain ; si vous voulez, nous irons nous promener dans la matinée avec Mlle Florence, et vraiment, madame Richard, la promenade ne peut toujours pas être plus désagréable que celle que nous faisons ordinairement sur les trottoirs. »

Polly éloigna d’abord cette pensée énergiquement ; puis elle y revint, s’y habitua peu à peu, en se représentant de plus en plus distinctement ses enfants, sa maison, tout ce qu’on lui avait interdit. À la fin, pensant qu’il n’y avait pas grand mal à aller jusqu’à la porte, elle consentit à la proposition de Suzanne.

L’affaire étant bien convenue, le petit Paul se mit à pleurer de la façon la plus piteuse, comme s’il eût prévu qu’il n’en résulterait rien de bon.

« Qu’a donc le petit ? demanda Suzanne.

— Je crois qu’il a froid, s dit Polly, en se promenant de long en large dans la chambre pour le calmer.

C’était vraiment une sombre soirée d’automne, et tout en