Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/134

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Qui sait ? Ce n’est peut-être qu’une erreur. Courage, mon cher ami, courage.

Il n’avait point du tout l’air pressé quand il était arrivé dans la maison, et maintenant il saisissait son chapeau en toute hâte, il prit congé de l’air d’un homme qui n’a pas un instant à perdre.

Vendale se mit à marcher en réfléchissant dans les chambres.

Sa première impression sur Obenreizer s’était bien modifiée durant ce nouvel entretien, et il se demandait s’il n’avait point commis la faute de le juger trop sévèrement et trop vite. C’est qu’en vérité la surprise et les regrets du Suisse, en apprenant la fâcheuse nouvelle que la maison Wilding et Co. venait de recevoir, avaient un grand caractère de franchise. On voyait bien que ces regrets étaient honnêtement sentis, et l’expression qu’Obenreizer leur avait donnée était bien loin de la simple et banale politesse d’usage. Ayant lui-même à lutter contre des soucis personnels, souffrant peut-être des premières atteintes d’un mal grave, il n’en avait pas moins eu dans cette circonstance l’air et le ton d’un homme qui déplore du fond du cœur ce qui arrive de mal à son ami. Jusque-là, Vendale avait en vain essayé souvent de concevoir une opinion plus favorable du tuteur de Marguerite, et cela pour l’amour de Marguerite même. Mais après les témoignages d’intérêt qu’Obenreizer venait de lui donner, il n’hésitait plus à penser qu’il avait été injuste envers lui ; tous les généreux instincts de sa nature lui disaient qu’il s’était arrêté trop vite à de certains indices fâcheux.