Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/172

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tique dans ce que vous venez de boire… Stupide, vous l’êtes deux fois. Je vous avais déjà versé de ce narcotique pendant le voyage pour en faire l’essai. Trois fois stupide, car je suis le voleur, le faussaire que vous cherchez, et dans quelques instants, je m’emparerai sur votre cadavre de ces preuves avec lesquelles vous aviez promis de me perdre.

Vendale essaya de secouer sa torpeur, mais le funeste effet n’en était que trop sûr. Tandis que son meurtrier lui parlait, il se demandait s’il était vrai qu’il fût blessé, si c’était à lui qu’était ce sang coulant sur la neige.

— Que vous ai-je fait ? — murmura-t-il. — Pourquoi êtes-vous devenu ce vil assassin ?

— Ce que vous m’avez fait ?… Vous m’auriez perdu si je ne vous avais empêché d’arriver au terme de votre voyage. Votre activité maudite est venue me ravir le temps sur lequel j’avais compté pour pouvoir restituer l’argent volé. Ce que vous m’avez fait ?… Vous êtes venu vous placer sur ma route, non une fois, non en passant, mais toujours, mais sans trêve. N’ai-je point essayé de me débarrasser de vous autrefois ?… Ah ! ah ! se débarrasser de vous, ce n’est pas aisé. C’est pourquoi vous allez mourir ici.

Vendale essaya de rappeler ses pensées qui le fuyaient ; il voulut parler, mais en vain. Instinctivement il cherchait le bâton ferré qui s’était échappé de ses mains, il ne put le saisir. Alors, il essaya de se relever sans ce secours… En vain, en vain ! Il trébucha et tomba lourdement au bord d’un abîme…

Défaillant, engourdi, un voile devant les yeux,