Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/173

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n’entendant plus rien, il fit pourtant un si terrible effort qu’il se souleva sur ses mains. Il vit son ennemi, là, debout, au-dessus de lui, calme, sinistre, implacable.

— Vous m’appelez assassin, — dit Obenreizer, — ce nom ne me touche guère. Au moins, vous ne pouvez dire que je n’ai pas joué ma vie contre la vôtre, car je suis environné de périls et peut-être ne réussirai-je pas à me frayer un chemin à travers les précipices. La tourmente va de nouveau éclater tout à l’heure, voyez ! la neige tourbillonne ! Il me faut ce reçu, il me faut ces papiers tout de suite. Chaque moment qui s’écoule emporte ma vie.

— Arrêtez ! — s’écria Vendale, d’une voix menaçante, et essayant encore une fois de se lever.

Le dernier éclair du feu qui s’échappait de son être se ranimait, il réussit à saisir les mains de son ennemi.

— Arrêtez ! — cria-t-il. — Loin de moi, assassin !… Que Dieu vienne en aide à Marguerite !… Jamais heureusement elle ne saura comment je suis mort… Loin de moi !… Meurtrier ! je veux encore une fois te regarder au visage… Ce visage infâme me fait ressouvenir d’une chose que je devais t’apprendre…

Obenreizer, épouvanté de le voir déployer tout à coup cette énergie suprême, et songeant qu’il pouvait encore retrouver en ce moment assez de force pour le vaincre, lui obéit et demeura immobile. Vendale le regardait d’un œil éteint.

— Non, ce ne sera pas, — dit-il. — Non, même en mourant, je ne trahirai point la confiance du