Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/182

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On alluma le feu. La clarté des torches illumina le bord de l’abîme, on y fixa les lanternes, et la corde descendit.

D’en haut on la voyait, la vaillante jeune fille, attacher la corde, de ses doigts engourdis, au corps de son fiancé.

Le cri monta au milieu d’un silence mortel.

— Tirez doucement.

Elle, on la voyait toujours au fond du gouffre tandis que, lui, il flottait déjà dans l’air.

Aucun vivat ne se fit entendre lorsqu’on le déposa dans la litière. Quelques-uns des hommes prirent soin de lui tandis que l’on faisait redescendre la corde.

Le cri monta une dernière fois au milieu du même silence de mort.

— Tirez.

Mais lorsqu’ils la saisirent, elle, au bord du précipice, alors ils firent retentir l’air de leurs cris de joie ; ils pleuraient, ils remerciaient le ciel, ils baisaient ses pieds et sa robe ; les chiens la caressaient, léchaient ses doigts glacés.

Elle s’échappa, courut vers la litière, et, se jetant sur le corps de son fiancé, posa ses deux belles mains sur ce cher cœur qui ne battait plus.