Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il salua Maître Voigt en entrant, avec une familiarité qui ne causa pas peu d’embarras au notaire ; il salua Bintrey avec une politesse grave et réservée.

— Pour quelle raison m’a-t-on fait venir de Neufchâtel au pied de cette montagne ? — demanda-t-il en prenant le siège que l’homme de loi Anglais lui indiquait.

— Votre curiosité sera complètement satisfaite avant la fin de notre entrevue, — répliqua Bintrey. — Pour le moment, voulez-vous me permettre un conseil ?… Oui. Eh bien ! allons tout droit aux affaires. Je suis ici pour représenter votre nièce.

— En d’autres termes, vous, homme de loi, vous êtes ici pour représenter une infraction à la loi.

— Admirablement engagé, — s’écria l’Anglais, — si tous ceux à qui j’ai affaire étaient aussi nets que vous, que ma profession deviendrait aisée ! Je suis donc ici pour représenter une infraction à la loi. Voilà votre façon à vous d’envisager les choses ; mais j’ai aussi la mienne et je vous dis que je suis ici pour essayer d’un compromis entre votre nièce et vous…

— Pour discuter un compromis, — interrompit Obenreizer, — la présence des deux parties est indispensable… Je ne suis pas l’une de ces deux parties. La loi me donne le droit de contrôler les actions de ma nièce jusqu’à sa majorité. Or, elle n’est pas majeure. C’est mon autorité que je veux.

En ce moment, Maître Voigt essaya de parler. Bintrey, de l’air de compatissante indulgence qu’on emploie envers les enfants gâtés, lui imposa silence.