Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/200

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— Non, mon digne ami, non, pas un mot. Ne vous agitez pas vainement. Laissez-moi faire.

Et se retournant vers Obenreizer, il s’adressa de nouveau à lui.

— Je ne puis rien trouver qui vous soit comparable, Monsieur, — dit-il, — rien que le granit. Encore le granit même s’use-t-il par l’effet du temps. De grâce, dans l’intérêt de la paix et du repos, au nom de votre dignité laissez-vous amollir un peu… Ah ! si vous vouliez seulement déléguer votre autorité à une personne que je connais, vous pourriez être bien sûr que cette personne ne perdrait jamais, ni jour, ni nuit, votre nièce de vue…

— Vous perdez votre temps et le mien, — interrompit Obenreizer. — Si ma nièce n’est pas rendue à mon autorité sous huit jours, j’invoquerai la loi. Si vous résistez à la loi, je saurai bien la prendre de force.

En même temps, il se dressait de toute sa taille. Maître Voigt regarda encore une fois autour de lui, vers la porte brune.

— Ayez pitié de cette pauvre jeune fille, — reprit Bintrey avec insistance. — Rappelez-vous qu’elle a tout récemment perdu son fiancé. Il est mort d’une mort affreuse… Rien ne pourra donc vous toucher ?

— Rien.

Bintrey se leva à son tour et regarda Maître Voigt.

La main du notaire qui s’appuyait sur la table commença de trembler ; ses yeux demeurèrent fixés comme par une sorte de fascination irrésistible sur la porte brune.