Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/218

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— Il partit seul. Il avait déjà dépassé la galerie, lorsqu’une avalanche, semblable à celle qui tomba derrière vous près du pont de Ganther…

— Cette avalanche l’a tué ?

— Nous l’avons trouvé broyé, brisé en morceaux… mais, monsieur, pour l’amour de votre femme… nous l’avons apporté ici sur la litière pour qu’on l’ensevelisse. Il faut que nous montions la rue et pourtant elle ne doit pas le voir, elle… ce serait une malédiction que de faire passer la litière sous l’arcade de verdure, avant qu’elle n’y ait passé… nous allons la déposer sur une pierre au coin de la seconde rue à droite, et lorsque vous descendrez de l’église, nous nous placerons devant. Mais tâchez que votre femme ne la voie point et qu’elle ne tourne pas la tête quand elle sera passée… Allez ! ne perdez point de temps. Elle pourrait s’inquiéter de votre absence… Allez !

Vendale retourna vers sa femme. Ce joyeux cortége les attendait à la grande porte de l’église. Ils descendirent la rue au milieu du carillon des cloches, des décharges de mousqueterie, des drapeaux qui s’agitaient, des instruments de cuivre qui faisaient rage, des acclamations, des cris, des rires, et des pleurs de toute la ville, enivrée du plaisir de les voir heureux. Toutes les têtes se découvraient sur leur passage, les enfants leur envoyaient des baisers.

— Que la bénédiction du Ciel descende sur la jeune fille courageuse ! — s’écriait-on de toutes parts. — Voyez ! comme elle s’avance noblement dans sa jeunesse et dans sa beauté, au bras de celui à qui elle a sauvé la vie !