Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/50

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— Wilding, — dit-il vivement, — qu’est-il arrivé ?

Puis il s’interrompit, jetant un regard curieux tout autour de lui, comme s’il cherchait une cause visible à cette scène extraordinaire. Wilding lui saisit la main.

— Mon bon George Vendale… — s’écria-t-il avec des yeux suppliants.

En même temps, il serrait cette main qu’il tenait dans les siennes, non par forme de politesse ni pour souhaiter la bienvenue à son associé, mais pour lui donner du secours.

— Mon bon George Vendale, — reprit-il à voix basse, — il m’est arrivé tant de choses que je ne pourrai jamais redevenir moi-même. Et qu’est-ce que je dis ?… Comment le pourrais-je, puisque je ne suis plus moi ?

Le nouvel associé, qui était un beau jeune homme, du même âge à peu près que Wilding, à la tournure leste, à l’œil vif et résolu, leva les épaules.

— Comment cesser d’être soi-même ? — fit-il.

— Ah ! du moins, — repartit Wilding, — je ne suis pas ce que je croyais être !

— Pour l’amour du ciel, que croyez-vous donc être que vous n’êtes pas ?

Il y avait dans le ton de Vendale un air de compassion et de franchise qui eût poussé à la confiance un homme autrement réservé que ne l’était Wilding. Aussi quand Vendale lui eut fait observer qu’il pouvait bien l’interroger sans indiscrétion, maintenant que leurs affaires étaient communes et qu’ils étaient associés, il n’y tint plus.