Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/69

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— Je n’en ai pas honte, — reprit-elle, un peu plus calme et tout en retournant son métier, — je ne suis pas Anglaise, moi. Je me fais gloire d’être Suissesse et fille d’un montagnard. Et certes je le dis bien haut : mon père était paysan.

Il y avait dans ces dernières paroles une résolution si visible d’en finir avec ce sujet ridicule que Vendale n’eut point le courage de se défendre plus longtemps contre les sarcasmes voilés d’Obenreizer.

— Je partage votre opinion, mademoiselle, — s’écria-t-il, — et je l’ai déjà dit à Monsieur Obenreizer, tout à l’heure, il pourra vous en rendre témoignage.

Ce que ce dernier se garda bien de faire. Il se tut.

Vendale n’avait point cessé d’observer Madame Dor. Une chose le frappa dans l’aspect du large dos de la bonne dame, et il remarqua une pantomime des plus expressives dans sa façon de nettoyer les gants. Tandis qu’il causait avec Marguerite, Madame Dor était demeurée tranquille ; mais dès qu’Obenreizer eut commencé son long discours sur les paysans, elle se mit à se frotter les mains avec une sorte de délire ; on eût dit qu’elle applaudissait l’orateur. Le gant qu’elle tenait s’élevait en l’air, ce gant tournoyait si bien, qu’une fois ou deux, Vendale en vint à penser qu’il pouvait bien y avoir une communication télégraphique dans ce jeu extraordinaire : d’autant que, tout en paraissant ne faire aucune attention à la vieille suivante, Obenreizer ne lui tournait jamais le dos.