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« Nous ne serons que quatre convives, » disait la lettre.

— Nous ne serons que deux ! — se dit Vendale avec résolution.

La solennité du jour de l’an chez les Anglais consiste à donner à dîner ou à se rendre aux dîners d’autrui, rien de plus. Au delà du détroit, c’est la coutume, en pareil jour, que de donner et de recevoir des présents. Or, il est toujours possible d’acclimater une coutume étrangère, et Vendale n’hésita pas un instant à en faire l’essai. La seule difficulté pour lui fut de décider quel cadeau il allait faire à Marguerite. Si ce cadeau était trop riche, l’orgueil de cette jolie fille de paysan, qui sentait avec impatience l’inégalité de leur condition sociale à tous deux, en serait blessé. Un présent qu’un homme pauvre eût aussi bien pu faire que lui, parut à Vendale le seul qui fût capable de trouver le chemin du cœur de la Suissesse. Il résista donc fortement à la tentation que les diamants et les rubis faisaient naître devant ses yeux et il fit l’emplette d’une broche en filigrane de Gênes, l’ornement le plus simple qu’il eût pu découvrir dans la boutique du joaillier.

Le jour du dîner, comme il entrait dans la maison de Soho Square, Marguerite vint au-devant de lui. Il glissa doucement son cadeau dans la main de la jeune fille.

— C’est le premier jour de l’an que vous passez en Angleterre, — lui dit-il, — voulez-vous me permettre d’imiter ce qui se fait à pareil jour dans votre pays ?

Elle le remercia, non sans un peu de contrainte,