Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/382

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de la petite Dorrit, le vieux bedeau qui lui avait fait un oreiller avec le registre des décès, et qui était ravi de voir qu’elle venait se marier chez lui, après tout.

Et ils furent mariés, tandis que le soleil brillait sur eux à travers l’image du Sauveur peint sur le vitrail. Puis ils entrèrent dans cette même sacristie où la petite Dorrit avait dormi après sa grande soirée, afin de signer leurs noms sur le registre des mariages. Là, M. Pancks (destiné à devenir premier commis de Doyce et Clennam, et plus tard un des associés de la maison), cessant de mériter l’épithète d’incendiaire, assista en ami à la signature, donnant galamment le bras droit à Flora, tandis que Maggy accaparait le bras gauche, et qu’au dernier plan se tenaient John Chivery, père et fils, avec les autres guichetiers qui étaient accourus un instant, abandonnant la geôle pour voir l’heureuse enfant de la prison. Flora, malgré sa récente déclaration, ne ressemblait en rien à une femme qui vient de se retirer du monde ; au contraire, elle était en grande tenue et semblait s’intéresser très-vivement à la cérémonie, bien qu’elle parût aussi agitée qu’une jeune fille à qui l’on vient d’adresser une première demande de mariage.

Le vieil ami de la petite Dorrit lui présenta l’encrier lorsqu’elle s’avança pour signer, et le clerc s’arrêta un instant en ôtant le surplis du bon clergyman ; tous les témoins, en un mot, paraissaient animés de sentiments sympathiques.

« Car, voyez-vous, disait le vieil ami de la petite Dorrit, cette demoiselle est une de nos curiosités, et la voilà arrivée au troisième volume de nos registres. Elle est née dans ce que j’appelle notre tome premier ; elle a dormi sur ce plancher que voilà, sa mignonne petite tête appuyée sur ce que j’appelle notre second tome, et la voilà enfin qui écrit son nom dans ce que j’appelle notre tome troisième. »

Lorsque les nouveaux mariés eurent signé, on s’écarta pour les laisser passer, et la petite Dorrit et son mari s’éloignèrent. Ils s’arrêtèrent un instant sur les marches, sous le porche de l’église, contemplant la fraîche perspective de la rue qu’éclairaient les brillants rayons d’un soleil d’automne, puis ils descendirent.

Ils descendirent le cours d’une existence modèle, utile et heureuse ; ils descendirent les marches de la vie pour donner, au bout de quelques années, les soins d’une mère aux enfants délaissés de Fanny (aussi bien qu’aux leurs), pendant que cette dame passait toute la sainte journée à s’ennuyer… ou à briller dans le monde, ce qui revient absolument au même. Ils descendirent les marches de la vie pour donner à Tip une fidèle amie et une douce garde-malade qui (en souvenir de la fortune qu’il voulait partager avec elle s’il avait touché son héritage) ne se rebuta jamais de ses nombreuses exigences, et ferma tendrement les yeux du malheureux jeune homme à tous les fruits de corruption engendrés dans la prison pour dettes. Ils descendirent tranquillement les rues bruyantes, heureux désormais et inséparables ; et tandis qu’ils pas-