Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/108

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blechook. Mon avis est que ce doit être une chaise à porteurs ; elle est bizarre, vous le savez, très-bizarre et si extraordinaire, qu’il n’y aurait rien d’étonnant qu’elle passât ses jours dans une chaise à porteurs.

— L’avez-vous jamais vue dans cette chaise ? demanda Mrs  Joe.

— Comment l’aurais-je pu ? reprit-il, forcé par cette question, quand jamais de ma vie je ne l’ai vue, même de loin.

— Bonté divine ! mon oncle, et pourtant vous lui avez parlé ?

— Vous savez bien, continua l’oncle, que lorsque j’y suis allé, la porte était entr’ouverte ; je me tenais d’un côté, elle de l’autre, et nous nous causions de cette manière. Ne dites pas, ma nièce, que vous ne saviez pas cela. Quoi qu’il en soit, ce garçon est allé chez elle pour jouer. À quoi as-tu joué, mon garçon ?

— Nous avons joué avec des drapeaux », dis-je.

Je dois avouer que je suis très-étonné aujourd’hui, quand je me rappelle les mensonges que je fis en cette occasion.

« Des drapeaux ? répéta ma sœur.

— Oui, dis-je ; Estelle agitait un drapeau bleu et moi un rouge, et miss Havisham en agitait un tout parsemé d’étoiles d’or ; elle l’agitait par la portière de sa voiture, et puis nous brandissions nos sabres en criant : Hourra ! hourra !

— Des sabres ?… répéta ma sœur ; où les aviez-vous pris ?

— Dans une armoire, dis-je, où il y avait des pistolets et des confitures et des pilules. Le jour ne pénétrait pas dans la chambre, mais elle était éclairée par des chandelles.

— Cela est vrai, ma nièce, dit M. Pumblechook avec