Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/111

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« Mais au moins, il y avait des chiens, mon petit Pip ; mon cher petit Pip, s’il n’y avait pas de côtelettes de veau, au moins il y avait des chiens ?

— Non, Joe.

— Un chien, dit Joe, rien qu’un tout petit chien ?

— Non, Joe, il n’y avait rien qui ressemblât à un chien. »

Joe me considérait avec le plus profond désappointement.

« Mon petit Pip, mon cher petit Pip, ça ne peut pas marcher comme ça, mon garçon, où donc veux-tu en venir ?

— C’est terrible, n’est-ce pas ?

— Terrible !… s’écria Joe ; terrible !… Quel démon t’a poussé ?

— Je ne sais, Joe, répliquai-je en lâchant sa manche de chemise et m’asseyant à ses pieds dans les cendres ; mais je voudrais bien que tu ne m’aies pas appris à appeler les valets des Jeannots, et je voudrais que mes mains fussent moins rudes et mes souliers moins épais. »

Alors je dis à Joe que je me trouvais bien malheureux, et que je n’avais pu m’expliquer devant Mrs  Joe et M. Pumblechook, parce qu’ils étaient trop durs pour moi ; qu’il y avait chez miss Havisham une fort jolie demoiselle qui était très-fière ; qu’elle m’avait dit que j’étais commun ; que je savais bien que j’étais commun, mais que je voudrais bien ne plus l’être ; et que les mensonges m’étaient venus, je ne savais ni comment ni pourquoi…

C’était un cas de métaphysique aussi difficile à résoudre pour Joe que pour moi. Mais Joe voulut éloigner tout ce qu’il y avait de métaphysique dans l’espèce et en vint à bout.