Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/126

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y avait quelques personnes dans cette chambre ; Estelle se joignit à elles en me disant :

« Tu vas rester là, mon garçon, jusqu’à ce qu’on ait besoin de toi. »

« Là », était la fenêtre, je m’y accoudai, et je restai « là », dans un état d’esprit très-désagréable, et regardant au dehors.

La fenêtre donnait sur un coin du jardin fort misérable et très-négligé, où il y avait une rangée de vieilles tiges de choux et un grand buis qui, autrefois, avait été taillé et arrondi comme un pudding ; il avait à son sommet de nouvelles pousses de couleur différente, qui avaient altéré un peu sa forme, comme si cette partie du jardin avait touché à la casserole et s’était roussie. Telle fut, du moins, ma première impression, en contemplant cet arbre. Il était tombé un peu de neige pendant la nuit ; partout ailleurs elle avait disparu, mais là elle n’était pas encore entièrement fondue, et, à l’ombre froide de ce bout de jardin, le vent la soufflait en petits flocons qui venaient fouetter contre la fenêtre, comme s’ils eussent voulu entrer pour me lapider.

Je m’aperçus que mon arrivée avait arrêté la conversation, et que les personnes qui se trouvaient réunies dans cette pièce avaient les yeux fixés sur moi. Je ne pouvais rien voir, excepté la réverbération du feu sur les vitres, mais je sentais dans les articulations une gêne et une roideur qui me disaient que j’étais examiné avec une scrupuleuse attention.

Il y avait dans cette chambre trois dames et un monsieur. Je n’avais pas été cinq minutes à la croisée, que, d’une manière ou d’une autre, ils m’avaient tous laissé voir qu’ils n’étaient que des flatteurs et des hâbleurs ; mais chacun prétendait ne pas s’apercevoir que les autres étaient des flatteurs et des hâbleurs, parce que ce-