Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

couler des pigeons à distance… et, après tout cela, s’entendre dire… »

Ici Camille porta la main à sa gorge comme si les nouvelles combinaisons chimiques qui s’y formaient l’eussent suffoquée.

Au moment où le nom de Mathew fut prononcé, miss Havisham m’arrêta et s’arrêta aussi en levant les yeux sur l’interlocutrice. Ce changement eut quelque influence sur les mouvements nerveux de Camille et les fit cesser.

« Mathew viendra me voir à la fin, dit miss Havisham avec tristesse, quand je serai étendue sur cette table. Ici… dit-elle en frappant la table avec sa béquille, ici sera sa place ! là, à ma tête ! La vôtre et celle de votre mari, là ! et celle de Sarah Pocket, là ! et celle de Georgiana, là ! À présent, vous savez tous où vous vous mettrez quand vous viendrez me voir pour la dernière fois. Et maintenant, allez ! »

À chaque nom, elle avait frappé la table à un nouvel endroit avec sa canne, après quoi elle me dit :

« Promène-moi !… promène-moi !… »

Et nous recommençâmes notre course.

« Je suppose, dit Camille, qu’il ne nous reste plus qu’à nous retirer. C’est quelque chose d’avoir vu, même pendant si peu de temps, l’objet de mon affection. J’y penserai, en m’éveillant la nuit, avec tendresse et satisfaction. Je voudrais voir à Mathew cette consolation. Je suis résolue à ne plus faire parade de mes sensations ; mais il est très-dur de s’entendre dire qu’on souhaite la mort d’une de ses parentes, qu’on s’en réjouit, comme si elle était un phénix et de se voir congédiée… Quelle étrange idée ! »

M. Camille allait intervenir au moment où Mrs Camille mettait sa main sur son cœur oppressé et affectait