Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/180

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en passer un mot en présence de Pumblechook, chez qui il allait prendre le thé. Aussitôt qu’il me vit, il parut persuadé qu’un hasard providentiel avait placé tout exprès sur son chemin un apprenti pour l’écouter, sinon pour le comprendre. Il mit la main sur moi et insista pour que je l’accompagnasse chez M. Pumblechook. Sachant que l’on ne serait pas très-gai chez nous, que les soirées étaient très-noires et les chemins mauvais ; de plus, qu’un compagnon de route, quel qu’il fût, valait mieux que de n’avoir pas de compagnon du tout, je ne fis pas grande résistance. En conséquence, nous entrions chez M. Pumblechook au moment où les boutiques et les rues s’allumaient.

N’ayant jamais assisté à aucune autre représentation de George Barnwell, je ne sais pas combien de temps cela dure ordinairement, mais je sais bien que ce soir-là nous n’en fûmes pas quittes avant neuf heures et demie, et que, quand M. Wopsle entra à Newgate, je pensais qu’il n’en sortirait jamais pour aller à la potence, et qu’il était devenu beaucoup plus lent que dans un autre moment de sa déplorable carrière. Je pensai aussi qu’il se plaignait un peu trop, après tout, d’être coupé dans sa fleur, comme s’il n’avait pas perdu toutes ses feuilles les unes après les autres en s’agitant depuis le commencement de sa vie. Ce qui me frappait surtout c’étaient les rapports qui existaient dans toute cette affaire avec mon innocente personne. Quand Barnwell commença à mal tourner, je déclare que je me sentis positivement identifié avec lui. Pumblechook s’en aperçut, et il me foudroya de son regard indigné, et Wopsle

    cédé Diderot. George Barnwell ou L’apprenti de Londres, qui fut représenté pour la première fois en 1731, est un drame remarquable ; il a été traduit en français par Clément de Genève, en 1748, et imité par Saurin, membre de l’Académie française.