Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/218

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aucune opinion quelconque sur la mission toute de confiance dont je suis chargé ; je suis payé pour la remplir, et je la remplis. Surtout, comprenez bien cela, comprenez-le bien. »

En disant cela, il jetait son doigt tour à tour dans la direction de chacun de nous ; je crois même qu’il aurait continué à parler longtemps s’il n’avait pas vu que Joe pouvait devenir dangereux ; mais il partit. Il me vint dans l’idée de courir après lui, comme il regagnait les Trois jolis Bateliers, où il avait laissé une voiture de louage.

« Pardon, monsieur Jaggers, m’écriai-je.

— Eh bien ! dit-il en se retournant, qu’est-ce qu’il y a encore ?

— Je désire faire tout ce qui est convenable, monsieur Jaggers, et suivre vos conseils. J’ai donc pensé qu’il fallait vous les demander. Y aurait-il quelque inconvénient à ce que je prisse congé de tous ceux que je connais dans ce pays avant de partir ?

— Non, dit-il en me regardant comme s’il avait peine à me comprendre.

— Je ne veux pas dire dans le village seulement, mais aussi dans la ville.

— Non, dit-il, il n’y a aucun inconvénient à cela. »

Je le remerciai et retournai en courant à la maison. Joe avait déjà eu le temps de fermer la grande porte, de mettre un peu d’ordre au salon de réception, et il était assis devant le feu de la cuisine, avec une main sur chacun de ses genoux, regardant fixement les charbons enflammés. Je m’assis comme lui devant le feu, et, comme lui, je me mis à regarder les charbons, et nous gardâmes ainsi le silence pendant assez longtemps.

Ma sœur était dans son coin, enfoncée dans son fau-