Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/222

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— Biddy, répondis-je avec un peu de ressentiment, tu es si vive, qu’il est bien difficile de te suivre.

— Elle a toujours été vive, observa Joe.

— Si tu avais attendu un moment de plus, Biddy, tu m’aurais entendu dire que j’apporterai mes habits ici dans un paquet la veille de mon départ. »

Biddy ne dit plus rien. Lui pardonnant généreusement, j’échangeai avec elle et Joe un bonsoir affectueux, et je montai me coucher. En arrivant dans mon réduit, je m’assis et promenai un long regard sur cette misérable petite chambre, que j’allais bientôt quitter à jamais pour parvenir à une position plus élevée. Elle contenait, elle aussi, des souvenirs de fraîche date, et en ce moment je ne pus m’empêcher de la comparer avec les chambres plus confortables que j’allais habiter, et je sentis dans mon esprit la même incertitude que j’avais si souvent éprouvée en comparant la forge à la maison de miss Havisham, et Biddy à Estelle.

Le soleil avait dardé gaiement tout le jour sur le toit de ma mansarde, et la chambre était chaude. J’ouvris la fenêtre et je regardai au dehors. Je vis Joe sortir doucement par la sombre porte d’en bas pour aller faire un tour ou deux en plein air. Puis je vis Biddy aller le retrouver et lui apporter une pipe qu’elle lui alluma. Jamais il ne fumait si tard, et il me sembla qu’en ce moment il devait avoir besoin d’être consolé d’une manière ou d’une autre.

Bientôt il vint se placer à la porte située immédiatement au-dessous de ma fenêtre. Biddy y vint aussi. Ils causaient tranquillement ensemble, et je sus bien vite qu’ils parlaient de moi, car je les entendis prononcer mon nom à plusieurs reprises. Je n’aurais pas voulu en entendre davantage quand même je l’aurais pu. Je quittai donc la petite fenêtre et je m’assis sur