Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/233

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tait pas nécessaire d’expliquer partout qu’il m’était survenu une magnifique fortune, mais toutes les fois que je disais quelque chose à ce sujet, les boutiquiers cessaient aussitôt de regarder avec distraction par la fenêtre donnant sur la Grande-Rue, et concentraient sur moi toute leur attention. Quand j’eus commandé tout ce dont j’avais besoin, je me rendis chez Pumblechook, et en approchant de sa maison, je l’aperçus debout sur le pas de la porte.

Il m’attendait avec une grande impatience ; il était sorti de grand matin dans sa chaise, et il était venu à la forge et avait appris la grande nouvelle : il avait préparé une collation dans la fameuse salle de Barnwell, et il avait ordonné à son garçon de se tenir sous les armes dans le corridor, lorsque ma personne sacrée passerait.

« Mon cher ami, dit M. Pumblechook en me prenant les deux mains, quand nous nous trouvâmes assis devant la collation, je vous félicite de votre bonne fortune ; elle est on ne peut plus méritée… oui… bien… méritée !… »

Ceci venait à point, et je crus que c’était de sa part une manière convenable de s’exprimer.

« Penser, dit M. Pumblechook, après m’avoir considéré avec admiration pendant quelques instants, que j’aurai été l’humble instrument de ce qui arrive, est pour moi une belle récompense ! »

Je priai M. Pumblechook de se rappeler que rien ne devait jamais être dit, ni même jamais insinué sur ce point.

« Mon jeune et cher ami, dit M. Pumblechook, si toutefois vous voulez bien me permettre de vous donner encore ce nom… »

Je murmurai assez bas :