Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/237

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qu’il le disait dans ses relations avec moi, et du fond de mon cœur j’aurais protesté contre cette idée. Cependant je me souviens que je restai convaincu après tout cela que je m’étais grandement trompé sur son compte, et qu’en somme, il était un bon, jovial et sensible compagnon.

Petit à petit, il prit une telle confiance en moi, qu’il en vint à me demander avis sur ses propres affaires. Il me confia qu’il se présentait une excellente occasion d’accaparer et de monopoliser le commerce du blé et des grains, et que s’il pouvait agrandir son établissement, il réaliserait toute une fortune ; mais qu’une seule chose lui manquait pour ce magnifique projet, et que cette chose était la plus importante de toutes ; qu’en un mot, c’étaient les capitaux, mais qu’il lui semblait, à lui, Pumblechook, que si ces capitaux étaient versés dans l’affaire par un associé anonyme, lequel associé anonyme n’aurait autre chose à faire qu’à entrer et à examiner les livres toutes les fois que cela lui plairait, et à venir deux fois l’an prendre sa part des bénéfices, à raison de 50 pour 100 ; qu’il lui semblait donc, répéta-t-il, que c’était là une excellente proposition à faire à un jeune homme intelligent et possesseur d’une certaine fortune, et qu’elle devait mériter son attention. Il voulait savoir ce que j’en pensais, car il avait la plus grande confiance dans mon opinion. Je lui répondis :

« Attendez un peu. »

L’étendue et la clairvoyance contenues dans cette manière de voir le frappèrent tellement, qu’il ne me demanda plus la permission de me serrer les mains ; mais il m’assura qu’il devait le faire autrement. Il me les serra en effet de nouveau.

Nous vidâmes la bouteille, et M. Pumblechook s’engagea à vingt reprises différentes à avoir l’œil sur Jo-