Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/255

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« Mike est là, dit le clerc en quittant son tabouret et s’approchant confidentiellement de M. Jaggers.

— Oh ! dit M. Jaggers en se tournant vers l’homme qui ramenait une mèche de ses cheveux sur son front comme le taureau de Cock Robin tirait le cordon de la sonnette. Votre homme vient cette après-midi. Eh bien !

— Eh bien ! M. Jaggers, dit Mike avec la voix d’un homme qui a un rhume chronique ; après bien de la peine, j’en ai trouvé un qui pourra faire l’affaire.

— Qu’est-il prêt à jurer ?

— Monsieur Jaggers, dit Mike en essuyant cette fois son nez avec sa casquette de fourrure ; en somme je crois qu’il jurera n’importe quoi. »

M. Jaggers devenait de plus en plus irrité.

« Je vous avais cependant averti d’avance, dit-il en montrant son index au client craintif, que si vous supposiez avoir le droit de parler de la sorte ici, je ferais de vous un exemple. Comment ! infernal scélérat que vous êtes, osez-vous me parler ainsi ? »

Le client parut effrayé, et en même temps embarrassé comme un homme qui n’a pas conscience de ce qu’il a fait.

« Cruche ! dit le clerc en le poussant du coude, tête creuse ! Pourquoi lui dites-vous cela en face ?

— Allons, répondez-moi vivement, mauvais garnement, dit mon tuteur d’un ton sévère : encore une fois et pour la dernière, qu’est-ce que l’homme que vous m’amenez est prêt à jurer ? »

Mike regardait mon tuteur dans le blanc des yeux, comme s’il eût cherché à y lire sa leçon, puis il répliqua lentement :

« Il donnera des renseignements d’un caractère général, ou bien il jurera qu’il a passé avec la personne toute la nuit en question.