Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/264

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j’avais écrit, avec mon doigt, mon nom plusieurs fois sur la poussière de chacun des carreaux de la fenêtre avant d’entendre le moindre bruit de pas dans l’escalier. Peu à peu cependant, parut devant moi le chapeau, puis la tête, la cravate, le gilet, le pantalon et les bottes d’un gentleman à peu près semblable à moi. Il portait sous chacun de ses bras un sac en papier et un pot de fraises dans une main. Il était tout essoufflé.

« Monsieur Pip ? dit-il.

— Monsieur Pocket ? dis-je.

— Mon cher ! s’écria-t-il, je suis excessivement fâché, mais j’ai appris qu’il arrivait à midi une diligence de votre pays, et j’ai pensé que vous prendriez celle-là. La vérité, c’est que je suis sorti pour vous, non pas que je vous donne cela pour excuse, mais j’ai pensé qu’arrivant de la campagne, vous seriez bien aise de goûter un petit fruit après votre dîner, et je suis allé moi-même au marché de Covent Garden pour en avoir de bons. »

Pour une raison à moi connue, j’éprouvais la même impression que si mes yeux allaient me sortir de la tête ; je le remerciai de son attention intempestive, et je me demandais si c’était un rêve.

« Mon Dieu ! dit M. Pocket junior, cette porte est si dure… »

Comme il allait mettre les fraises en marmelade, en se débattant avec la porte, et laisser tomber les sacs en papier qui étaient sous son bras, je le priai de me permettre de les tenir. Il me les confia avec un agréable sourire ; puis il se battit derechef avec la porte comme si c’eût été une bête féroce ; elle céda si subitement, qu’il fut rejeté sur moi, et que moi, je fus rejeté sur la porte d’en face. Nous éclatâmes de rire tous deux.

Mais je sentais encore davantage mes yeux sortir de